Canaletto, La Place Saint-Marc, 1730
À Anne Putiphar, actuellement en Crète
Et la magie continue. Venise, Riviera, bolognaises, pontons, mouettes et ce titre de « professore » qu’on lui donne et qui le ravit. Fausse vanité de paraître et vrai bonheur d’être. Le courage d’être heureux - le plus dur. Pascal :
« Nous sommes si malheureux que nous ne pouvons prendre plaisir à une chose qu’à condition de nous fâcher si elle réussit mal, ce que mille choses peuvent faire et font à toute heure. [Qui] aurait trouvé le secret de se réjouir du bien sans se fâcher du mal contraire aurait trouvé le point. C’est le mouvement perpétuel. »
(Pensées, Sellier 89)
Qu’elle soit pascalienne, spinoziste ou nietzschéenne, la joie ne fait jamais recette dans le monde. Peu de gens rêvent de paradis, de réconciliation, d’apocatastase. Non, tout selon le mérite, la rétribution, l’équité, la justice. Conflits sans fin des juges et des justiciers. Conflits structurants, infernaux, familiaux. Cette propension que nous avons de mourir aux nôtres – ce qui vaut mieux de nous tuer les uns les autres (encore que...). Alors, il faut fuir pour ne pas subir le mal ou le commettre. Le bannissement rend service à tout le monde. La négation filiale, aussi. Quoiqu'on dise, l'abandon libère. Il a raison, au fond, mon père, de me fuir.
« Mais vous recensez un livre ou vous racontez votre vie ? – Ben, les deux, comme d'hab. »