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3 - Idéologiquement structuré

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alain de benoist, mémoire vive, éléments, solange bied-charreton, guerre d'algérie

« Ce qui m'éloigne le plus d'elle [de la droite], c'est son allergie à toute réflexion de nature idéologique ».

Yes. La droite classique, orthodoxe, traditionnelle, en effet, ne croit pas à l'idéologie - ou plutôt ne se définit pas du tout, elle, comme idéologique. L'idéologie, ça n'a jamais été que la gauche avec sa manie de la sociologie, du constructivisme et même de la culture.La culture est née avec la gauche, disait Philippe Muray dans son Journal. Alors que pour la droite, toujours un peu essentialiste et naturaliste, l'approbation de l'ordre des choses va de soi. Le divin préjugé remplace la réflexion. Le dogme sublime remet la raison à sa place. Le réel se suffit à lui-même et surtout c'est lui qui se donne à nous et non nous qui lui donnons un sens ou une... réalité, comme il le prétend.

Pour Alain de Benoist, phénoménologue fort orthodoxe en ce sens, « rien n'est neutre » et « la façon dont on regarde le réel n'est jamais directe ou transparente ».

Et de rajouter ce sur quoi il va longuement insister :

« quand on est IDEOLOGIQUEMENT STRUCTURE, on réalise en général très bien cela [que le réel est moins un donné qu'un résultat de nos dons à nous], tandis que ceux qui sont mal structurés, ou qui ne le sont pas du tout, ne sont pas même conscients de l'existence de ce filtre qui joue alors chez eux un rôle de surmoi. »

Coucou, me voilà, avec mes amis Clément Rosset, Chesterton, Burke, et tous ceux qui pensent, comme les gros débiles de notre genre, que le réel n'est pas dialectique mais tautologique, que les choses sont beaucoup plus simples qu'on ne le croit et que le préjugé est mille fois plus structurant et dix mille fois plus moral que l'idéologie. En vérité, comprendre, c'est jouir, comme disait Paul Claudel. Et pour l'instant, elle ne me fait pas trop jouir, la pensée de la Nouvelle Droite. Alors que Burke !

«  Vous voyez, Monsieur, que dans ce siècle de lumières, je ne crains pas d'avouer que chez la plupart d'entre nous [les connards et les connasses de droite, NDLR]  les sentiments sont restés à l'état de nature ; qu'au lieu de secouer tous les vieux préjugés, nous y tenons au contraire tendrement et j'ajouterai même, pour notre plus grande honte, que nous les chérissons parce que ce sont des préjugés – et que plus longtemps ces préjugés ont régné, plus ils se sont répandus, plus nous les aimons. C'est que nous craignons d'exposer l'homme à vivre et à commercer avec ses semblables en ne disposant que de son propre fonds de raison, et cela parce que nous soupçonnons qu'en chacun ce fonds est petit, et que les hommes feraient mieux d'avoir recours, pour les guider, à la banque générale et au capital constitué des nations et des siècles.En cas d'urgence le préjugé est toujours prêt à servir; il a déjà déterminé l'esprit à ne s'écarter jamais de la voie de la sagesse et de la vertu, si bien qu'au moment de la décision, l'homme n'est pas abandonné à l'hésitation, travaillé par le doute et la perplexité. Le préjugé fait de la vertu une habitude et non une suite d'actions isolées. » 

Qu'importe. En avant pour la contre culture pour laquelle ADB, et que nous appellerons, à l'instar de Solange Bied-Charreton, « Deub's », semble avoir toujours eu une prédilection, que celle-ci ait été communiste, nationaliste, indo-européenne, voire celtique - l'essentiel étant de toutes façons de repérer et de combattre l'ennemi numéro un (et d'ailleurs unique - ce qui pour un contempteur de l'Unique est un peu fort, mais passons), à savoir le « gros argent », la loi du fric, la finance despotique. La lecture, à cette époque, du livre de Henry Coston (antisémite et collaborationniste de choc, et le premier infréquentable de ce parcours), Les financiers qui mènent le monde est, pour Deub's déterminante -  autant que sa rencontre avec la belle Marie-Jo, dont la photo ne le quittera jamais.

Pour l'antilibéral« structuré idéologiquement », le mal absolu, c'est l'économique et non pas le politique ou le religieux. Et par extension, non pas tant le terroriste que le banquier. Non pas tant Da'ech ou Boko Haram que Wall Street.  Le mal, ce n'est pas le couteau qui sert à égorger, mais l'argent qui a servi à acheter le couteau. Des conneries, évidemment.

Amour, amitiés... C'est encore à cette époque qu'il rencontre au FEN (Fédération des étudiants nationalistes) ses futurs compagnons de route, François d'Orcival, futur directeur de Valeurs actuelles, ainsi que le très walhallien Dominique Venner.

C'est le temps du militantisme bagarreur, des fin de soirées au commissariat, de l'engagement quasi sectaire (« tu dois tout au mouvement, le mouvement ne te doit rien »), de la radicalité pure et dure (« pire que chez les maos ou à Lutte ouvrière », précise Alain qui ne comprend toujours pas comment on peut être catholique sans être prêtre.) Dans ces cercles nationalistes, on ne s'appelle pas « camarade » mais « ami », on ne doit pas partir en vacances sans avoir prévenu la cellule et encore moins se marier sans le signaler.

Dans la vie de tous les jours, on se la joue très OSS 117 avec lunettes noires et messages codés. A ce propos, notons que si on défend l'Algérie Française, c'est moins pour celle-ci que pour faire la révolution en France. En vérité, on instrumentalise la guerre d'Algérie car on recherche « le détonateur susceptible de déboucher sur le seconde Révolution française ». Ce qui n'empêche pas Deub's de comprendre la réalité de la tragédie algérienne - tragédie au sens « où il n'y a pas seulement des événements tragiques, mais des conflits de devoirs » et qui concernent tous les acteurs de cette affaire, Pieds Noirs, militaires, combattants de l'indépendance, harkis. La guerre d'Algérie est, comme tous les conflits véritables, non pas un conflit entre le bien et le mal mais un conflit entre différents biens, différentes légitimités, différentes résistances. FLN contre OAS, c'est Créon contre Antigone.

« Si j'avais été Français d'Algérie, j'aurais certainement rejoint l'OAS ; si j'avais été jeune Algérien, j'aurais certainement rejoint le FLN ».

Voilà, tout est dit. Quoiqu'on pense de lui, il y a de la grandeur chez ce de Benoist.

 

A SUIVRE


4 - La question du "réalisme biologique"

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Ses premiers articles sont consacrés à ce qu'il appelle les « techniques d'ahurissement, c'est-à-dire les méthodes employées par les médias pour sidérer l'opinion, désarmer l'esprit critique » et forger ce qu'on appellera bientôt « la pensée unique », expression qui aurait pu faire sa fortune s'il avait pu toucher des royalties dessus puisqu'il en est l'auteur.

Se passionnant de plus en plus pour l'ultra-gauche dont il lit avec ferveur les auteurs les plus radicaux (Lénine, Rosa Luxembourg), c'est pourtant toujours la droite qu'il rêve de réformer. Opérer unaggiornamento de la droite. Une droite, qui grâce à lui, deviendrait critique, positive, activiste. 

Oserions-nous dire comme dans la pub avec Gad Elmaleh  « je rêve d'une droite intellectuelle, d'une droite "d'avenir", d'une droite de civilisation ? D'une droite européenne ? Oui, je rêve d'une droite intelligente.... » Et même d'un nationalisme européen ? D'une Europe identitaire ? Et qui irait de pair avec un« anti-christianisme affirmé » (décidément !) doublé d'une « conception biologisante de la société, qui impliquerait à la fois le matérialisme biologique et le racisme (pudiquement rebaptisé réalisme biologique.) »

----------------------> Voilà, « réalisme biologique », c'est page 77.<--------------------------

Ainsi, tous ceux qui parlaient des errances d'Alain de Benoist et que ses sbires et lui-même accusaient de « parler sans savoir », de « critiquer sans avoir lu », de « polémiquer par ignorance » avaient raison. La rumeur était fondée. Il y avait bien quelque chose d'un peu... heu... bizarre dans le chemin de pensée de cet intellectuel, d'un peu trouble, d'un peu "nauséabond", comme on dit quand on veut se faire bien voir de La France Big Brother. Mais quoi ? Aucune opinion n'est un délit à nos yeux, d'autant plus que dans son cas, il finira par abandonner celle-ci. En vérité, ce« matérialisme biologique » aura été la grande erreur d' « Europe Action », reconnaitra-t-il très vite, avant de prôner un vigoureux antiracisme façon lui.

Tentons, si c'est possible, une approche non polémique de cette affaire.

Et d'abord estimer qu'il y là une contradiction absolue. D'un côté, on prône une pensée d'avenir, positive, voire positiviste, « européenne », voulant dépasser les clivages d'antan, et de fait, profondément anti-réactionnaire. De l'autre, on raisonne comme les racialistes scientistes du XIX ème siècle, on affirme sans complexe, et d'ailleurs sans volonté politique « méchante », la croyance en la hiérarchie des races, on reprend pour son compte cette obscène et d'ailleurs très ringarde idée « que la notion de race était une clef explicative forte de l'Histoire. » 

Et puis, se rendre compte que CE N'EST PAS UNE CONTRADICTION JUSTEMENT !!! Le racialisme a toujours été le fait des pensées positives et anti-chrétiennes. Le racisme ne fut jamais qu'un positivisme biologique - tout comme le socialisme ne fut jamais qu'un impérialisme moral, et même un colonialisme fait pour le bien des peuples (on ne va pas re-citer le discours de Jules Ferry sur "le devoir des civilisations supérieures à civiliser les inférieures.") Là-dessus, Muray a tout dit dans son XIXème siècle à travers les âges. L'antichrétien conséquent ne peut considérer que tous les hommes soient égaux. L'antichrétien est forcément un raciste - ou y aboutit. Et cela même si lui est un brave homme, comme Gobineau l'était assurément, et comme de Benoist est, paraît-il, une personne exquise. 

« Le racisme ne me choquait pas, mais en revanche les comportements racistes me choquaient »,

confesse encore ce dernier, avant de rapporter une anecdote dans laquelle un de ses plus chers amis répondit un jour à une bonne soeur (une chrétienne, donc !) qui était venue auprès d'eux faire la quête pour les enfants du Tiers-Monde qu'elle s'occupait de « singes ».

« Je baissai le nez dans mon assiette,écrit-il alors. J'avais honte, j'avais l'estomac noué. Mais je n'ai rien dit. Aujourd'hui encore, j'ai honte de n'avoir rien dit. Je ne raconte pas cela pour atténuer mes responsabilités. A cette époque, je défendais le racisme, ou tout au moins le racialisme, et je le défendais sans état d'âme, mais les choses sont toujours un peu plus complexes qu'il n'y paraît. »

Ou trop simples.

Alain de Benoist fut donc un racialiste militant. C'est un fait. Alors, aujourd'hui, chacun sa posture. D'aucuns réagiront au quart de tour, "s'indigneront" avantageusement, fermeront Mémoire viveà cette page, se faisant le serment de ne plus jamais ouvrir un livre de ce type toxique et de tous ces affreux de la Nouvelle Droite. Iront jusqu'à boycotter les maisons d'édition et les librairies qui osent vendre les ouvrages de ce « néo-nazi ». Mais nous, que ferons-nous ? Avouerons-nous que cette bavure intellectuelle ne nous choque pas plus que ça et au contraire nous rend son auteur sympathique puisqu'au moins lui l'avoue ?

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Car enfin, rarissimes sont les intellectuels qui reconnaissent qu'ils se sont trompés. Et qui ne s'est pas trompé au XX ème siècle ? Combien de rouges ou de bruns en Pléiade ? Combien de sociologues délirants et dangereux aux rayons de Joseph Gibert, et pas seulement Soral ? Combien de déconstructeurs ayant pignon sur rue ? A nos yeux, Eric Fassin ou Judith Butler sont mille fois nocifs que cet ancien racialiste. Quant à l'appartenance à la "Nouvelle Droite", mon Dieu.... Combien de racailles d'extrême gauche qui font encore les beaux jours de l'université française ? Pour un Alain de Benoist, combien d'Alain Badiou ? Pour un penseur racialiste repenti, combien de penseurs socialistes non-repentis et marxo-léninistes comme au premier jour ? Ah bon ? Ce n'est pas la même chose ? Il ne faut pas tout mélanger ? Très bien. Dans ce cas, vive Alain de Benoist ! Et vive Gabriel Matzneff tant que j'y suis. On peut ne partager en rien l'idéologie criminogène du premier (et à laquelle il a renoncé depuis trente ans) et encore moins la sexualité infantile du second, mais il est impossible de se résoudre à dénigrer le premier ou à renier le second pour des raisons morales. Il est impossible de dénoncer quiconque. Il est impossible d'être intellectuel de gauche. Notre côté années 70, sans doute. Notre côté "Je suis Charlie".

Revenons à notre mouton (noir.)

En vérité, ADB n'avait rien pour être raciste. L'homme aime les voyages et vaut dix Marco Polo à lui tout seul (« dès que je passe une frontière, je respire »). Il a en horreur la centralisation (associée comme toujours à l'être, l'unique, l'immobile) et préfère largement la régionalisation. Il devient bientôt le Zorro des régions, et partant de là, des minorités, des espèces en voie d'extinction, des dieux morts - et des animaux. Deub's est un vegan, putain ! C'est ça que nous lui reprochons, nous ! Car le véganisme, l'anti-spécisme, le genrisme sont autant de tendances qui nient l'altérité des êtres et participent à ce grand retour à l'Unique organique que Deub's dit détester plus que tout. D'ailleurs, le paganisme ne renvoie-t-il pas lui aussi à une nature divine unique où tout est dans tout et réciproquement ? Alors que le christianisme affirme, justement, la différence absolue. Il faudrait le lui demander.

En plus de la finance et des « financiers qui dirigent le monde », ses trois ennemis sont :

- l'Etat-Nation conçu sur le modèle jacobin, centralisateur, dirigiste, autoritaire (symbole Eric Zemmour).

- le christianisme, donc, dénoncé à l'époque comme « une religion étrangère à l'Europe » et qui, à l'époque, lui faisait dire à lui et à ses amis des choses du genre : « - nous ne sommes pas des Orientaux, le christianisme est une religion orientale, et tout ce qui est oriental est mauvais" - Certes, mais fumer n'est-il pas oriental, ami ? »

- le libéralisme individualiste petit bourgeois, produit des deux.

En gros, la trinité ennemie de Alain, c'est la terre, la foi, la liberté - et ça, en plus de son côté vegan, c'est ce qui nous fâche vraiment. Pas touche à mon héritage, mes principes de consolation et mon gigot flageolets, aurait envie de rétorquer le petit bourge déclassé qui est en nous. Si lui a pu céder à la tentation racialiste de la pureté, nous cédons à celle, héréditaire, du privilège. Et qu'est-ce que le privilège sinon l'autre nom, plus grossier, de la pureté ?

 

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A SUIVRE

04bis - Eléments n°153 - Ce que j'en retiens.

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C'est la première fois que je lis Eléments pour de bon. Peut-être pas la dernière. Quelque chose de passionnant, de fascinant mais aussi d'inquiétant, de bizarre, de trouble. Pour moi, c'est un peu comme arriver chez des Serpentards repentis (ça existe). Des vérités primitives qui s'écrivent selon des codes d'un autre temps. Des fulgurances qui surgissent en pleine discussion vénéneuse. Parfois, la radicalité finit par étouffer l'intelligence et laisse apparaître de biens sombres tendances. Mais grâce à Dieu, ou aux dieux, cela repart très vite dans le bon sens, du moins l'espère-t-on. En vérité, la clarté dans l'expression va chez eux de pair avec une obscurité de l'enjeu. De quelle civilisation européenne ces gens se veulent-ils exactement le nom ? Quel genre de trône prônent-ils ?

(Mon travail ne consistera qu'en une prise de notes libres et désinvoltes et qu'on pourra suivre, ou pas, selon sa propre subjectivité.)

 

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Le "Système", selon Robert de Herte -"Une structure, un ensemble d'éléments qui interagissent entre eux selon certains principes de fonctionnement, à partir de boucles de rétroactions, positives ou négatives, qui mettent en jeu une causalité non linéaire" (où l'effet peut rétroagir sur la cause.)

Entre autres tendances de ce Système, "le primat du juste sur le bien". La justice contre le bien, l'équité contre le vrai. Les deux contre le beau.

Mais qui est du Système ? Principalement les libéraux hors-sol,ceux qui voyagent et ne se structurent que par leurs voyages, méprisant la frontière et le sol, la terre et le sang. Qui sont de partout et donc de nulle part. "Nouvelle Classe totalement déterritoralisée"et dont le symbole pourrait être Jacques Attali (revoir sa fameuse prise de bec avec Eric Zemmour.)

Aucune alternative dans le Système. Que des alternances interchangeables, de droite ou de gauche - et qui correspondent à la fameuse formule de Salina dans Le guépard :"il faut que tout change pour que rien ne change."

Aucun maître du Système, ni "cerveau caché". Même ses plus ardents bénéficiaires peuvent en être virés du jour au lendemain. Un peu comme les plus ardents révolutionnaires pouvaient en 93 se retrouver à la guillotine quelques jours après y avoir envoyés leurs antagonistes.

Trois types de critiques contre lui :

- la critique "artiste", volontiers nostalgique et réactionnaire, souvent littéraire, sympathique mais peu opératoire. Et souvent complaisante. Visconti, justement ?

- La critique qui a recours au "bouc émissaire" : "c'est la faute "aux immigrés", "aux juifs", "aux banquiers", "aux 200 familles qui tiennent le monde", aux "fonctionnaires qui foutent rien", bref, à ce que Claude Lefort appelait"les hommes en trop"et qui n'aboutit qu'au racisme, à la discrimination et au complotisme.

- La critique systémique ou holistique, seule sérieuse, qui analyse le capitalisme comme "un fait social total (...) et dont la loi générale est l'illimitation, vecteur du nihilisme".

Quant à la possibilité de la révolution... "Il n'y a de perspective révolutionnaire que lorsqu'une reconstruction idéologique radicale rencontre un mouvement social réel. Ce qui revient à dire que ce ne sont pas les révolutionnaires qui font les révolutions, mais les circonstances qui les rendent possibles."

 

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Le jazz et l'homme différencié - Musique de la transe. Corps possédé et chaos mental. Pour Julius Evola, "cette africanisation mentale était le symptôme d'une civilisation occidentale en ruines." Ben voyons. Reste que le jazz, première expression musicale du siècle dernier, se définit avant tout comme le passage d'une "musique populaire, voire ethnique" en "musique savante". Bien plus singulière qu'une simple "musique du monde" et autre chose qu'une "musique classique". Rencontre improbable entre les battements de coeur, le "pulse" original et le choral luthérien - entre l'esclave et son maître, oserait-on dire. Musique de désir et de recherche, du désir de la recherche. De joie pure et de structure (parfois laborieuse). De scène et d'autocréation. Art qui "nous ramène à ce que l'on est devenu ou à ce que l'on n'est plus".

 

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 Cliquer sur le lien pour entendre le cher Little Finger jacter son plus célèbre discours.

 

"Le Système cherche à nous dissoudre", selon Lucien Cerise (auteur de Gouverner par le chaos) - "L'ingénierie sociale", voilà ce qui nous manipule, nous trompe, nous transforme malgré nous, nous donne des pensées que nous n'aurions jamais eu de nous-mêmes, nous infiltrent, nous piratent, et selon la méthode du "pas vu qui voit tout". Bon Dieu, mais ne serait-ce pas le secret de La France Big Brother de Laurent Obertone ?

Le capitalisme encore et toujours coupable ! Sa dimension kabbalistique et numérologique,"où la totalité de l'existence peut se réduire à des chiffres" - où la lettre a cédé la place au numéro, le Logos au logo, l'éthique au numérique, le qualitatif au quantitatif. Où le langage de Dieu se réduit au mathématique - "le PDG de Goldman Sachs ayant déclaré un jour que les banquiers accomplissaient le travail de Dieu."

Le capitalisme comme volonté de puissance dernière, technique sur-accomplie, Gestell entériné. Où tout recommence, et sans cesse, à zéro, "reset ontologique global", matrix en folie permanente, geste prométhéen qui n'en finit pas de voler le feu aux dieux et de brûler les hommes avec et au prétexte de les "libérer".

Le capitalisme comme ce qui vise la fin de l'humain, et avec elle, l'avènement du post-humain, du transhumain, de Conchita Wurst. D'où la volonté de détruire les identités, les origines, les distinctions. "Plus aucune différence ne doit substituer, comme le stipule la théorie du genre pour les sexes, et encore aujourd'hui l'anti-spécisme et le véganisme, qui dénient une différence substantielle entre l'humain et les autres espèces pour nous préparer au métissage entre humains et animaux, les chimères génétiques qui sortiront bientôt des laboratoires." En attendant"le droit des robots"qui consistera"à accorder une personnalité juridique aux machines et à abolir ainsi la distinction entre vivants et non-vivants."

Et de rajouter :

"LES IDENTITAIRES NE COMPRENNENT PAS TOUJOURS QUE LE GRAND REMPLACEMENT N'EST PAS CELUI D'UNE RACE OU D'UNE CULTURE PAR UNE AUTRE, MAIS CELUI DES HUMAINS PAR LES MACHINES."

Merde, alors ? On nous aurait mentis ?

Quoiqu'il en soit, le chaos règne et il est la pire chose qui pouvait nous arriver.

"En effet, la psychiatrie et la psychanalyse montrent que la santé mentale nécessite d'avoir une perception stable des limites identitaires, avec une démarcation claire de l'intérieur, Moi, et de l'extérieur, l'Autre. La fluidité, l'état liquide, voire gazeux, ne sont pas viables quand il s'agit de définir une identité vivante, qui échappe à la dissolution, à la précarité et au chaos. Chacun a besoin de savoir qui il est, tout simplement, ce qui requiert une certaine permanence et fixité."

Il faut le rappeler sans cesse : sans identité, pas de métissage ; sans distinction, pas d'être (et sans être, pas de devenir) ; sans sexes, pas de vie ;  sans temps, pas de mouvement ; sans frontières, pas de terres ; sans reprises ou retour au même, pas de musique ; sans limites aux choses et aux notions, ni choses ni notions ; sans héritage, pas de transmission ; sans lien, pas de filiation ; sans hiérarchie, le chaos. Et quand c'est la hiérarchie qui devient elle-même chaotique...

 

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"Ce qui identifie carrément la droite libérale et la gauche libertaire, c'est qu'elles travaillent toutes deux à ouvrir les systèmes au maximum jusqu'à leur dissolution entropique et ce que mort s'ensuive. (...) Pour maintenir sa structure dans le temps, un système a besoin d'échanger de l'information avec son environnement, donc, d'être ouvert, mais il a également besoin de fermeture, sinon, il se dissout dans cet environnement. L'OUVERTURE ALIMENTE, LA FERMETURE PROTEGE. Ce sont l'ouverture et la fermeture totale qui augmentent l'entropie des systèmes. (...) C'est ainsi qu'un système conserve sa structure, son identité, sa forme typique et qu'il perdure. En géopolitique, cela s'appelle les frontières et les principes westphaliens. En biologie, c'est la peau, la membrane épidermique, nécessaire à l'intégrité de l'être vivant. (...) il faut donc relancer l'idée d'une fermeture positive qui fera hurler tous les libéraux-libertaires qui ne jurent que par l'ouverture complète à tous les vents et nous ordonnent de nous ouvrir toujours plus au monde, à l'autre, aux Roms, aux capitaux étrangers, à la concurrence (...) CAR IL N'Y A PAS  DE VIE SANS FERMETURE ET PROTECTIONNISTE A UN MOMENT OU A UN AUTRE."

Contre toute attente, Internet est devenu une résistance au Système. Ceux qui croyaient qu'il était un système de flicage n'ont pas vu qu'il pouvait l'être dans les deux sens. En ce sens, le Pentagone a bien compris qu'il faisait partie du "champ de la guerre" ("War domain") Jamais les informations n'ont aussi bien circulé, jamais la parole n'a été aussi libre car accordée à tout le monde, jamais les individus et parfois les peuples ont pu à ce point se rendre raison contre les pouvoirs. Tant pis pour les excès, les ordures, les trollings et autres stalkings. Internet est le triomphe de la démocratie (et donc du libéralisme, mon cher Lucien, non ? C'est pourquoi je ne comprendrais jamais ce rejet total du libéralisme - qui constitue tout le projet occidental pour le pire et aussi le meilleur. Et vous, vous oubliez ce meilleur à Eléments !)

Contre l'ingénierie sociale négative, il faut jouer l'ingénierie sociale positive : "IS+" contre "IS -" et espérer un rééquilibrage des forces et une reprise en compte du peuple par le politique, de la Nation par l'Etat. Non plus faire saigner le lien social mais bien le coaguler. Et quelle meilleure coagulation sociale que le retour à l'Etat-Nation et à la souveraineté populaire ? Zemmour, quoi ?

Mais dans un cadre jacobin ou girondin ? Centralisateur ou fédéraliste ? National ou régiono-impérial ? Notons qu'Alain de Benoist, partisan du fédéralisme, de la région et de l'empire (l'anti-zemmour en ce sens), et, pour la partie la plus fâcheuse, vegan, est l'intervieweur de Lucien Cerise.

Robert Guédiguian le romantique, par Ludovic Maubreuil - Et nous rappeler que"romantiser, c'est faire feu de tout bois, digresser sans se perdre, relier le fait concret au symbole, l'analogie au sacré et la mémoire commune à la légende des siècles, savoir goûter le secret du cliché et redonner du sens au lieu commun."Magnifique définition que je retiendrai, mon cher Ludovic...

 

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Sciences (l'inceste, le divorce, les visages et les hanches.)

- La logique libérale comme logique incestueuse, selon Les couleurs de l'inceste, par Jean-Pierre Lebrun. L'enfant, produit de la seule mère, le père relégué aux oubliettes. Voir l'abominable Mommy, de Xavier Dolan.

- Les filles, cause de divorce - non pas parce que les hommes préfèrent leurs garçons à leurs filles (??!!) et donc hésitent à divorcer quand ils en ont un, mais parce que, selon deux universitaires yankees, les filles sont plus résistantes que les garçons à tous les âges de la vie - et donc résistent mieux à la mésentente et au divorce possible de leurs parent (!!!???). On trouve de tout dans cette revue...

- Les visages larges plus combattifs que les visages étroits.

- Les hanches larges plus attirantes sexuellement que les hanches étroites et la preuve statistique que les femmes "larges"  perdent leur virginité plus tôt que les femmes "étroites" et ont plus de partenaires sexuels et d'aventures sans lendemain.

Interview croisée de Olivier Maulin qui veut réenchanter le monde, de Solange Bied-Charetton qui veut  lui rabattre le caquet et de Jean-François Roseau qui veut l'ausculter. Et qui parlent très (trop ?) bien de ce dont parle ce numéro à chaque page.

En revanche, déçu par l'article de Jean-François Gauthier sur"le Mal existe-t-il ?" Mais peut-être parce que je ne suis guère convaincu par cette idée que c'est le Dieu unique qui le produit, le mal, alors qu'il n'existerait pas en tant que tel dans un monde polythéiste, forcément plus riche, diverse, complexe et blablabla. Mon objection serait que le Mal existe, a toujours existé, sauf que le polythéisme n'a jamais su le nommer et que le monothéisme a très bien su le nommer - et que c'est en le nommant qu'on a eu ensuite l'impression qu'il y en avait trop. Alors qu'il a toujours été là, sauf que quand on ne le nommait pas, il était pire (exemple type : la pédophilie.) J'en profite pour dire que le le monothéisme est supérieur au polythéisme sur tous les plans. Et qu'on ne me rétorque pas que le monothéisme conduit à Hitler - qui était païen.

 

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Sur le système techno-capitaliste, selon Jean de Juganville (purée de pseudo !) - Uniformisation, globalisation, mondialisation, occidentalisation. Science, démocratie, métaphysique et technologie sont en effet nés "chez nous", les gréco-romano-judéo-chrétiens. Et ont donné en bout de course le capitalisme, le marché, la vénalité généralisée. Tout est devenu achetable, fabricable, valable. Le corps-objet. La vie-chose. L'homme-capital. L'échange des marchandises ne dépend plus de l'offre et de la demande mais"d'opérations spéculatives et de pratiques monopolistiques". Ce n'est plus l'argent qui produit des choses mais des choses qui produisent de l'argent. Le capitalisme n'est pas l'exploitation de l'homme par l'homme mais l'exploitation de l'homme par l'argent - et aussi l'exploitation de la nature par l'argent.  Le capitalisme est un "génocide structurel" autant qu' "un écocide structurel". Il fait de nous une marchandise comme une autre, bébés éprouvettes, réserve de clones, coke en stock, et ses couronnes en or sont mortelles. Il a donné "Verdun, Auschwitz, Kolyma, Hiroshima, Tchernobyl". Le capitalisme, responsable et coupable de tous les maux du monde depuis Caïn............................................................................. Le pire, c'est qu'ils ont tous l'air d'y croire. Ils ont fait de l'anticapitalisme leur croyance, sinon leur secte. Mais on aurait envie de leur demander. Qui ne voudrait pas vivre dans un pays capitaliste ? La critique totale de l'Occident est une sorte de négationnisme.

Mais continuons.

 

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La logique totalitaire selon Jean Vioulac (par Laurent Cantamessi) - Avec la révolution industrielle, et avec elle, l'avènement du capitalisme et le triomphe philosophique, politique et économique du libéralisme, le rapport au monde a changé comme jamais. En gros, il s'agit désormais de produire le monde, sinon le réel, plutôt que d'être produit par lui. L'objectivité des valeurs disparait pour laisser place à la seule subjectivité des désirs. Grâce au libéralisme, tout devient désirable, possible, opératoire. Comme Hegel l'a vu le premier, "le réel ne peut plus être compris comme une donnée stable mais comme un processus toujours agissant. L'histoire acquiert dès lors le sens que lui impose l'idéologie du progrès, elle est un processus de transformation du réel constamment à l'oeuvre, engendrant une rupture définitive sur le plan civilisationnel." L'histoire n'est plus que devenir et volonté de puissance, autocréation d'elle-même par elle-même, production sans fin des nouveaux corps et nouveaux désirs. Comédie humaine. Rougon-Macquart. Anneau du Nibelung. Et avec eux, désenchantement du monde. Nous sommes devenus trop libres. On nous a forcés être libres - donc responsables de tout ce qui se passe. Et il se passe trop de choses !

 

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Il est bien loin le temps où, comme l'écrivait Marcel Gauchet, nous n'étions pour rien dans ce qui était. Tout ce que nous étions et avions, c'est à d'autres que nous le devions, "des êtres d'une autre nature que nous, des Ancêtres, des Héros, des Dieux". La modernité nous a déracinés, individualisés, atomisés. Pire, elle nous a à la fois corrompus et rendus coupables de cette corruption. Nous sommes comme des putes sans cesse punies par leurs maquereaux auxquels elles reviennent inlassablement. Au moins les serfs d'antan étaient insouciants. Travaillaient la terre, voyaient le ciel et vivaient selon des éphémérides sacralisés. Très riches heures du duc de Berry. Plus rien de tout cela, aujourd'hui.

"L'individu plongé au sein de la masse doit donc accepter son appartenance à un système achevé et son incapacité personnelle, individuelle, à changer le monde. La liberté absolue à l'oeuvre est celle de l'Etat moderne caractérisée pour Hegel par la furie de la destruction qui se manifeste par la Terreur."

La terreur comme puissance d'égalité obligatoire, guillotine pour tous, destruction massive du particulier par l'universel. Et comme le dit encore Gauchet,"mobilisation totale". Conscription forcée. Nous sommes comme dans la prison d' Un prophète, le film de Jacques Audiard - obligés de participer aux actions et exactions que le monde capitaliste nous impose. Impossible de rester dans son coin, entre soi, sinon sur sa terre. Ce que les nazis n'ont pas supporté. "La doctrine nazie s'est fondée sur l'opposition entre le processus de totalisation propre à la modernité occidentale et l'identité du peuple juif, peuple sans Etat à la spiritualité purement religieuse. Le Juif représente l'altérité radicale" - celui qui résiste à l'immanence politique du Léviathan, à l'universalité des Lumières (qui conduisent au nazisme, donc), à la mobilisation totale, sinon finale, comme la "solution" du même nom.

Et là où les nazis ont échoué, les cyborgs pourront réussir. Ou les zombies.

 

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Jacques Ellul l'avait prédit, plus personne ne peut échapper au phénomène technicien (par François Bousquet) - Le "Big One", ou, selon le principe de Gabor, tout ce qui est faisable techniquement se fera en bien ou en mal. La technique est tout. C'est elle qui n'en finit plus de réifier l'homme - pour son plus grand bien-être, il est vrai. Comme le capitalisme dont on ne peut plus se passer. D'ailleurs, si Marx revenait, il n'écrirait pas "Le Capital" mais "La Technique". On a beau la fuir, on y revient toujours. A côté d'elle, les religions ne pèsent pas lourd. "Que pèse la promesse de la résurrection des corps à côté de la régénération des cellules ?" A cette suprématie, Ellul ne pose que sa foi. A la robotisation du monde, il oppose le Sermon sur la montagne. C'est beau mais un peu court. La faiblesse de sa pensée a toujours résidé dans son refus-dégoût de la politique. "C'est un petit prophète, au sens biblique du terme, comme Jonas ou le pâtre Amos." Et qui reste enfermé dans une logique orwellienne. "Il envisage le système technicien comme une mécanique totalitaire, alors que c'est d'abord un dispositif maternant et totalisant. Il raisonne encore dans le dur dans un monde devenu mou, flexible, sucré, obèse." Mais sur le fond, il a raison. 

 

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Et pour finir,"une critique radicale du faux omniprésent", selon Francis Cousin (interviewé par ADB himself), docteur en philosophie, radical parmi les radicaux, ultra-gauchiste d'extrême droite, marxo-rivarolien de choc, tradi-pré-néolithique qui ferait passer René Guénon et Julius Evola pour des libéro-libertaires,  qui anime un cabinet de philo-analyse qui reçoit des "gens cassés par le système" (!!!!!!!!!!!!!).

Le problème avec ce genre de zozo, c'est que sa critique du monde moderne commence dès la fondation du monde. Un peu comme Laurent Obertone dans La France Big Brother pour qui la surveillance du monde commençait dans la Bible elle-même, le mensonge omniprésent, omniscient, omnipuissant ne date pas simplement pour Cousin de la Révolution industrielle ni même des Lumières mais bien de la Grèce présocratique.

"La philosophie est née en Grèce anté-socratique, en ce temps bien particulier où les communautés organiques de l'Etre, qui n'avaient connu pendant de nombreux siècles que le produire humain naturel dans le champ historique de l'anti-argent et de l'anti-Etat, finissaient leur mouvement de dé-périssement pour aboutir à ce qui deviendrait le triomphe des premières sociétés de l'Avoir."

Dès cette époque, l'Etre perd devant l'Avoir. Même Héraclite, Parménide et Empédocle, qu'on croyait fondateurs de l'Être, témoignent de "cette unité ontologique perdue."L'histoire de la philosophie devient alors de Socrate à Kant celle de l'échange et du marché. Il faudra Hegel puis Marx pour tenter de revenir à "l'être générique de l'homme, à la communauté sans argent et sans Etat." C'est la voie de Francis : rechercher "l'universel générique de l'immanence cosmique"(!!!) L'enchantement primal du monde."La Terre sacrale" d'avant la corruption du monde et à laquelle Guénon a lui-même participé, ignorant"la vraie tradition primordiale des radicalités premières"(!!!!!!) dite "tradition primordialiste communiste de la non-division où le vieux (SC) indo-européen dit que tout est non monnayable et non-sécable dans les foyers de l'être total qui repousse toute idée de scission et de spécialisation" (déjà présente dans les Manuscrits de 1844 de Marx). Guénon falsificateur du monolithe ! Agent de"la trifonctionnalité de la décadence" (!!!!!!!!!!) qui, au lieu de rendre compte du "Tout indivisible", en fait son son usage propre, osant "guru-iser l'assimilation de ses répartitions schizo-phrénétiques" (!!!!!!!!!!!!). Non, il faut passer par Marx si l'on veut retrouver l'ère d'avant-monolithe !

Même Deub's a du mal à suivre :"Aussi loin que le regard puisse porter dans le passé, on ne voit pourtant aucune société qui n'ait pas connu, sous une forme ou sous une autre, un minimum de rapports de pouvoir. En paraissant rejeter toute l'histoire advenue, ne prônez-vous pas de manière utopique le retour à une PREHISTOIRE TOTALEMENT IMAGINAIRE ?"

Naoh Pierrafeu ne se dégonfle pas :"N'en déplaise à la pensée normalisée du dressage civilisationnel née du socratisme (!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!), si l'homme est bien substantiellement un animal historique, il ne devient un animal politique et économique qu'à compter du moment où la communauté organique de l'anti-argent et de l'anti-Etat est détruite par la société de l'Avoir et qu'il est nécessaire - pour ré-unifier le dés-unifié -de substituer, à l'immanence des rapports du produire humain, l'astreinte économique et l'assujettissement politiste des mutations du chiffre et de l' obéir."

Peut-être en utilisant des dragons, qui sait ?

 

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(Parenthèse de ma lecture de "Mémoire vive" qui reprend demain).

 

 

 

05 - Militantisme

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« Le militantisme est une école, et l'une des meilleurs qui puissent être. C'est une école de discipline et de tenue, d'exaltation et d'enthousiasme, une école de don de soi. C'est aussi un creuset d'amitié comme il y en a peu ».Gérard Longuet, Alain Madelin, Alain Robert - tous sont passés par là. La Nouvelle Droite était faite pour les idéalistes identitaires et les anti-modernes révolutionnaires. Radicaux plus qu'extrémistes. Car comme le note Deub's, si l'extrémisme est le fait de pousser jusqu'à l'absurde ses idées, à les fétichiser, la radicalité consiste toujours « à comprendre plus loin en remontant à la racine » et à tirer toutes les conclusions logiques qui dérivent de celle-ci :

« si l'on soutient telle position, alors on ne peut pas soutenir telle autre, mais on doit en revanche en admettre une troisième dans tel autre domaine (...) ce qui exige d'être intellectuellement structuré. »

Est-ce cette exigence toute masculine et un rien totalitaire qui fait que peu de femmes ont milité aux côtés de nos héros ? Sans doute parce que la femme, mieux que l'homme, sait que la vie est moins affaire de ratio et de structure que d'affect et de situations, moins affaire de « Weltanschauung » que de « Kairos » - et qu'être trop conséquent, radical, rationnel, moral, dans ses choix et ses idées, c'est, à un certain moment, se renier soi-même, sinon mourir. La femme, c'est quelqu'un qui n'a pas besoin d'être un homme, disait un jour X. avant que nous nous brouillons pour de mauvaises raisons qui n'étaient pas miennes et parce que le gars était quand même un rien caractériel. Ce qui est sûr, c'est que« la psychologie féminine, en tous cas, [l'a] toujours plus intéressé que la psychologie masculine. »

Autant que son antichristianisme qui ne connaît plus de limites et qui va jusqu'à lui faire défendre, un temps, les fameuses thèses « mythistes » selon lesquelles Jésus n'aurait jamais existé. Cette thèse, il finit par s'en apercevoir, n'en est pas moins intenable car « elle obscurcit la question des origines du christianisme beaucoup plus qu'elle ne l'éclaire. » Considérer en effet que la religion la plus importante de l'Histoire et du monde repose sur un fake est le début de la pensée complotiste. Jésus n'a peut-être pas ressuscité mais il a bien existé. Sinon, vive les soucoupes volantes...

Jeunesse finit par passer (et par s'imposer, on est en 68). Les compagnons de route font leur vie : François d'Orcival deviendra libéral, patron de presse, académicien. Lui hésite un temps entre le journalisme et l'enseignement. Finalement, il fonde la Nouvelle Droite. L'aventure ne fait que commencer.

 

A SUIVRE

Cendres 2015 - Hors Satan

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Mercredi 18 février – Cendres – Hors Satan

En suis-je capable ?

En général, non. C'est souvent même la pire période de l'année. L'idée de prendre soin de moi me mine tellement que je fais le contraire exact de ce qu'il faut faire.

Et pourtant, ce Carême pourrait, si j'en avais la force, être quarante jours de repos intérieur, d'anagké sténaï et de poésie

Et pour commencer, ce beau texte de Crépu dans La revue des deux mondes :

« Une société qui n’est pas capable de mettre quelque chose au-dessus du marché ne mérite plus qu’on l’appelle une société. Quand on en est à vouloir travailler le dimanche, cela veut dire qu’on est une larve, un impuissant de la création. J’aime beaucoup ces pasteurs puritains américains qui faisaient le tour des villages autrefois, au cas où l’un de leurs paroissiens se serait mis à bricoler quelque chose. Ils étaient impitoyables pour ceux qui ne respectaient pas le repos sacré. Travailler le dimanche était un péché. (…) Si en plus, le dimanche devient une sorte de lundi obèse, nous sommes foutus. J’aime ces religieux juifs un peu ultras, qui n’utilisent pas l’électricité durant tout le week-end. Cela redonne du lustre à la lumière, quand elle revient. Inutile d’être rabbin pour ça, d’ailleurs. Il suffit d’avoir un peu le goût du monde. (…) La vraie question est de savoir pourquoi nous sommes nuls tout le long de la semaine. Croit-on qu’un jour de plus de travail arrange la dépression, le burn out ? Vous allez voir, la marée de burn out qui s’annonce. L’heure est terriblement à la poésie, justement. »

Il a raison, mais rien ne pourra freiner le processus. L'immonde mondialisation est là et nous en sommes tous très contents puisque c'est nous, puisqu'elle est nous. Tout ce qui arrive est de notre volonté, notre désir. On a beau en être "dégoûté", on la désire encore...

Ces 40 jours, non pas jeuner, me priver ou m’obliger à des choses impossibles dans lesquelles je me ratatinerai grave, mais m’apaiser. Respirer. Prendre soin de mon corps et de mon cœur. Me souvenir de ses derniers pincements. Me rappeler que je peux mourir demain et que je n’y tiens pas tant que ça. Me distinguer, pour une fois, de mes démons.

Mon Dieu, ne sois pas avec mes démons contre moi mais avec moi contre mes démons.

Euphytose.

Messe à Saint Léon.
"La mort est le salaire du péché."
"Si à moi tout est impossible, à Dieu, rien."
"Quarante jours pour être libre."


Sonate n°18 de Beethoven (puisqu'on est le 18), à l’allegro post-mozartien. Même si ma préférée reste la Waldstein, en lien sur mon troisième post sur Beethoven :

Pierre Cormary - Plus que le destin qui frappe à la porte, le temps qui sort de ses gonds. Si la peinture rend visible les choses, la musique rend audible le temps. Frappe dans le temps. Frappe le temps. Le dilate, le contracte, le concentre, le fait exploser, le répète, le transforme, le reprend - sur tous les tons - l'anticipe, le déduit, l'identifie, le mémorise, le donne et le redonne. La première force de Beethoven est d'avoir "réactiver à fond la force de frappe". Même si l'on n'est pas musicologue, on comprend immédiatement ce que Boucourechliev entend par là. La force de frappe. Réécoutez le tout début de la troisième, de la cinquième, de l'Empereur, de la Kreutzer, de la Waldstein (ma préférée) et vous comprendrez aussitôt. La force de frappe. Vous allez me dire "c'est pareil pour Bach et Mozart". Oui et non. Chez Bach, ça vient de commencer qu'on a l'impression d'y être déjà. Chez Mozart, de n'être déjà plus là. Beethoven (et après lui les romantiques) semble nous réveiller de nous-même, nous sortir de notre torpeur, de notre... surdité. Voire de notre débauche. Beethoven, c'est la statue du commandeur... qui frappe à la porte, justement. Force brute (donc immédiatement séduisante). "Grossièreté harmonique délibérée" (qu'on redemande illico tellement c'est bon). Cadence maniée "comme un bazooka, en tueur" (et qui fait de nous des tueurs - bonheur total.) Depuis le temps qu'on vous dit que la musique est fasciste en soi...
La mélodie, qui était reine chez Vivaldi et chez Mozart, perd chez Beethoven son leadership. Elle est mise "sous surveillance". C'est le rythme qui la met en valeur - même si Boucourechliev n'aime pas ce mot de "rythme" et préfère parler de "système des durées". Soit. Beethoven rend aux durées leur indépendance. Avec lui commence la "vastitude" de la musique (qui conduira à Bruckner et Mahler) et qui pourra ennuyer l'auditeur sévère pour qui la musique s'arrête à la neuvième symphonie - sinon à la première mesure de Don Giovanni, pour y revenir. Après, c'est de l'errance, de la complaisance, du temps perdu. Laissons-là ce connard.
Avec Beethoven, il s'agit donc bien de pénétrer les "macro-molécules de temps", de faire de "l'intensité" le premier paramètre, celui-ci pouvant aller jusqu'à la violence - en vérité qui y va tout de suite, demandez à Alex. D'ailleurs, il faut réadapter les pianos pour monsieur. En construire de plus solides, de plus puissants, qui supporteront les nouvelles frappes, et sous la surveillance, paraît-il ultra chiante, de Beethoven lui-même. Car il ne faut pas se leurrer : si la musique avait toujours connu ses instants paroxystiques, chez Ludwig van, le paroxysme devient un mode d'être : "le subito pianissimo au terme d'un grand crescendo est chez lui un geste familier - et tout puissant."
Sans oublier la trille, fondamentale pour lui. "Qu'est-ce qu'une trille ? c'est un son. Un seul son, qui palpite le plus rapidement possible, et dont les impacts (le micro-rythme), indécomposables et fondus - lui confèrent une qualité, une sonorité spécifique. La trille est un timbre" - et le timbre, chez Beethoven, est une fonction du temps. On le reconnaît tout de suite par là : "c'est du Beethoven". Vous allez encore me dire que tous les musiciens ont leur spécificité, leur timbre. Encore une fois, oui et non. Par exemple, ce n'est pas le "timbre" qui distingue Haydn et Mozart, c'est disons quelque chose de plus subjectif - que l'un est un gros terrien et l'autre un ange. Alors que chez Beethoven, la première chose que l'on repère, c'est le son, sa frappe, sa nervosité, sa palpitation extraordinaire, toujours conflictuelle, en opposition, sa façon de le traiter en "explosif", son feu. https://www.youtube.com/watch?v=J3l18HTo5rY


Enfin, un dîner propre, sans gras ni alcool. Brocoli.

Ce soir, Hors-Satan, de Bruno Dumont. Puis, fil sur mon mur.

Pierre Cormary -  J'ai un problème avec Bruno Dumont. Non pas avec le cinéaste que je trouve génial - le plus grand de tous aujourd'hui en Europe, et de très loin. Ni même avec le bonhomme que je trouve singulier, sympathiquement antipathique et passionnant (fabuleux bonus de l'intégrale Blue-Ray qui constituent un véritable master class - il est vrai que Philippe Rouyer, critique aussi dumontien que kubrickien, est un formidable passeur). Mais avec l'intellectuel, ou, plus exactement, avec le regard qu'il porte sur ses propres films. Car à l'entendre, Dumont ne croit qu'en l'art. L'art comme aboutissement du divin. L'art comme preuve que le divin n'a plus besoin d'exister si tant est qu'il ait jamais existé. L'art, raison supérieure du monde. Outre que j'ai depuis longtemps pris mes distances avec ce genre de credo nietzschéen purement esthétique (et même si celui-ci continue à me séduire secrètement - ma part adolescente et satanique, je suppose), ce qui, à un certain moment, me fait douter de l'authenticité de Dumont est qu'il semble, du moins intellectuellement, nier ce qui fait que l'on adhère justement à ses films. En se prétendant systématiquement antireligieux, voire athée, alors que ses films nous parlent de résurrection, d'exorcisme, d'extra-lucidité, de télépathie, de miséricorde, il se retrouve en porte à faux avec son oeuvre. Alors certes, on pourra toujours faire remarquer que l'oeuvre est plus grande que l'homme et que ce n'est pas la première fois qu'un artiste raconte des conneries sur son propre art. Qu'importe le discours, après tout, du moment que l'oeuvre brille ? Mais comme on aime Dumont, on voudrait que ses jugements soient en adéquation, en communion, en unité avec ses films. "L'unité, c'est la mystique", disait-il un jour en interview. Mille fois d'accord. Mais alors pourquoi prétendre partout que Dieu est mort, que la foi est une aliénation, et que seul l'art, émanation du divin, donc de l'ancienne aliénation, sauvera le monde ? Pourquoi tenir un discours aussi frigide sur une oeuvre aussi théologiquement érotique ? Ce côté "mystique sans Dieu", passion triste de tous les "esprits forts" (des supers cons) ne laisse pas d'être profondément irritant - et au cinéma frise l'imposture. C'est comme si on tombait un jour sur des interview de John Ford expliquant qu'il n'en a jamais rien eu à foutre des westerns, de l'Amérique, de ses mythes et de John Wayne - ou mieux, qu'il n'en a jamais rien eu à foutre du cinéma.
La force inouïe des films de Dumont provient de la réalité intensément spirituelle qu'il filme et que l'on ne apprécier à sa juste valeur qu'à la condition qu'on la prenne, à mon avis, au premier degré. Avec lui, l'appréciation esthétique ne suffit pas. Il faut faire le saut de la foi pour le comprendre - du moins ses films, et puisque lui-même semble ne pas les comprendre. Pharaon lévite vraiment. Barbe a vu par télépathie ce que Démester a vraiment fait à la guerre. Hadewijch doit passer par l'amour de Dieu pour arriver à l'amour de l'homme. Carpentier et Van der Weyden sont des saints policiers. Et Jésus, dans La vie de Jésus, n'est pas tant le pauvre Freddy, âme en peine, que la volonté invisible de Jésus de vouloir le/la sauver. La vie de Jésus, ce n'est pas la vie de Freddy, mais bien la vie de Jésus, pouvant sauver Freddy. La vie de Jésus, sa mission, son rôle, sa volonté de sauver - au plan final de Freddy dans les herbes regardant le ciel, on peut penser que "quelque chose s'est passé ou, mieux, va se passer." La mission de Dumont, c'est de filmer ses sauvetages, ses passages, ses Pâques. S'il n'y croit pas lui-même, ce serait très fâcheux. Mais plus je l'écoute, et plus je revois ses films, plus je pense qu'il y croit malgré lui - qu'il va y arriver, à la conversion. Parce que voila... Quand on filme un miracle, il faut y adhérer - ne serait-ce que pour ne pas vendre son âme au diable.

(Extraits du fil :)
 
G. -  Vous ne retrouvez pas un peu Tarkovski chez Dumont ? Sauf que le russe assume pleinement son mysticisme.

Pierre C. - Absolument. C'est là leur différence. En même temps, comme je le disais, je ne peux concevoir Dumont imposteur. Ca serait un déni d'humanité et d'art.

PP. - Je vais pas développer mais je ressens exactement les mêmes choses que vous, une recherche sans fin jusqu'à l'absurde du sacré. Si bien que j'en tire des conclusions différentes, il y a une volonté très forte chez Dumont de comprendre si on veut l'ontologie de ce qui devient sacré et donc qui devient un fait mystique mais il repousse aussi très fort.

K - J'ai une remarque pas du tout intéressante sur Hadewijch. Je peux ?

Stéphane R. -  Peut-être qu'il en a juste plein le dos de ne plus pouvoir allumer sa radio ou sa télé ou participer au moindre débat ni à la moindre discussion sans croiser un imam, un rabin, un curé, ou juste un croyant qu'il ne faut pas heurter, et c'est peine perdue puisqu'il sera heurté de toute façon, juste parce qu'on lui en offre la possibilité. Peut-être qu'il souffre lui même de cette prolifération régressive de la religion dans la sphère publique alors qu'il souhaiterait qu'elle ne sorte pas de l'intime et du privé. Peut-être qu'il scinde le philosophique du politique. Peut-être que s'il buvait une bière avec toi, en tête à tête, il ne te contredirait pas et assumerait volontiers son sens du sacré, mais que quand on l'interviewe, c'est-à-dire quand on l'invite à se joindre publiquement au bal des pleureuses offensées, il adopte un point de vue un peu plus radical. Peut-être que la supercherie qu'est devenu la parole religieuse lui empêche d'exprimer la sienne, et qu'il la garde donc pour lui. Ou pas.

S. -  Le sens du mystique sans Dieu lui épargne de sombrer dans la bigoterie religieuse et c'est sans doute pourquoi il touche autant les croyants non fanatiques que les non-croyants spirituels.
Et Camille Claudel est très beau, nom de Dieu !

K - L'actrice dans Hadewijch est un boudin et une très belle femme à la fois. Jamais vu ça. Très troublant.

Pierre C. - Mais oui, K., c'est exactement ça. Le secret de Dumont réside dans cette ondoyance plastique et spirituelle qui structure tous ses films. On voit les gens physiquement changer de plan en plan - comme si, tel un grand écrivain, il savait rendre chaque facette du visage, donc chaque de l'âme. Toutes les femmes chez lui sont à la fois repoussantes et attirantes - et il disait lui-même de celle qui joue Barbe dans Flandres, qu'elle était à la fois belle et laide. Ca marche aussi pour les hommes qui, eux, oscillent entre le débile et le surhumain, la sauvagerie qui peut aller jusqu'au crime et l'angélisme au sens strict. Même les paysages du nord deviennent splendides filmés par sa caméra. C'est par là aussi qu'il est immense. Donner de la beauté à ce qui n'en a pas au premier regard. Passer du dégoût au désir. Accorder du sens aux choses et à la fin vaincre le néant. S'il ne croit pas en Dieu, son cinéma y croit.

Pierre C. - @Stéphane - ça doit être ça en effet. Surtout quand on se refait l'ensemble de l'entretien avec Rouyer, on se rend compte qu'il n'est pas si clair que ça question "sacré" et que même ses propos deviennent confus - et cette confusion le sauve.

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Flandres de Bruno Dumont - L'abjection et le pardon

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A l'occasion de la sortie en Blue Ray de l'intégrale Dumont
et du P'tit Quinquin, en plus du fil Dumont sur mon mur,
revoici ce texte commis en 2006.
 
 

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Bruno Dumont est un cinéaste si ombrageux que même si on aime passionnément son oeuvre et qu’on écrit tout le bien qu’on en pense, ce n’est pas sûr que lui apprécie. On craindrait qu’il nous appelle et nous engueule en disant : « je vous interdis d’aimer mon film de cette façon aussi dégueulasse ! », ou bien : « si vous aimez aussi passionnément mon film, c’est que vous n’y avez rien compris ! »

Nous ne lui dirons donc pas que nous avons trouvé Flandres magnifique, émouvant, inoubliable. Une splendeur sensorielle d'abord, sensualiste même, et qui contredit entièrement la thèse d'un cinéma simplement clinique, sec et austère. Voyez le panoramique sur la campagne bleu vert au début du film et que traverse l’homme ; voyez le plan de la savane jaune or éblouissant ; admirez les montagnes « cézaniennes » que les soldats, eux, semblent ne pas voir - à la guerre, on ne contemple pas le paysage, il est vrai. Ecoutez le son des arbres, des feuilles et du vent, ou le bruit de la gadoue, ou les brindilles qui craquent – et qui couvrent la parole des hommes. Ceux-là souffrent mais n’en savent rien.

C'est que pour Bruno Dumont, le paradis est le décor de l'enfer. La beauté de la création va de pair avec sa cruauté, la flamboyance éblouit autant qu'elle brûle. Il y a là quelque chose qui rappellerait le cinéma de Terence Malick quoique dans un sens beaucoup moins humaniste : la nature est belle mais l’Homme de Dumont est trop pataud pour en jouir (contrairement à celui de Malick, contemplatif, animiste, et qui trouve en elle de quoi se ressourcer). Barbares sans doute, mais sauvages en aucun cas, les êtres de Dumont ne savent pas communier avec ce qui les entoure. Leur seul désir est de retourner à la terre. Pendant les « scènes d’amour » qui, dans le cas de Dumont, sont plutôt des scènes « d’accouplement », la face de l’homme est toujours contre terre, alors que celle de la femme est tournée vers le ciel. Plus tard, on verra celle-ci se dresser sur la pointe des pieds, tout le corps tendu vers le ciel, le visage implorant, comme si elle voulait s'élever, ou comme si elle attendait qu’un ange passe et l’enlève. Certes, la caméra filme la fille plutôt que le ciel, et semble dire qu’elle a beau le scruter, rien n’en viendra jamais - que la grâce n’est pas de ce monde. Mais si, elle l’est, puisque la fille la cherche. Le désir de prière est déjà une prière, disait Bernanos. Et Barbe est une jeune fille qui est liée aux choses invisibles (et dans un sens que n’aurait pas dénié un Night Shyamalan). C’est pour cette raison qu’elle deviendra folle un moment, mais n’allons pas trop vite.

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En attendant, la guerre. Sa férocité absurde. Sa mise à mort de l’innocence. Comme dans le Full Métal Jacket de Kubrick, la référence évidente de Flandres (présente dès l’affiche avec sa figure de casque), ce sont des enfants « sniper » qui déciment la petite troupe et qui seront vaincus à leur tour. Sauf que Demester n’a pas le geste d’humanité du « Joker » de Kubrick et ne tue pas le gamin pour abréger ses souffrances. Ce que montre Dumont (et qui n’est pas tant montré que ça dans les films de guerre) est que les comportements indignes ou les décisions injustes sont pleinement des actes de guerre – et non des dommages collatéraux ou des erreurs stratégiques qu’on essaye ensuite d’expliquer devant les caméras de l’ONU. Quand on fait la guerre, on laisse crever l’ennemi dans sa douleur, on se bagarre avec son voisin de chambrée (surtout s’il est d’origine africaine) pour « entraîner » son agressivité, on viole les femmes du camp ennemi - et quand la femme retrouve les violeurs, elle choisit de faire castrer le seul qui ne l'a pas touché.Car il s’agit moins de se venger personnellement que d’atteindre l’ennemi dans ce qu’il croit encore avoir de plus précieux, sa belle âme.

Pour autant, et ce n’est pas le moindre des paradoxes de Flandres, si la guerre est le lieu de la violence, elle est aussi celui de la survie et par l)-même de la prise de conscience des choses. On sait quand on a mal, quand on fait mal ou quand on a trahi - en l'occurrence abandonner son copain blessé sur le chemin et le condamner à une mort certaine (et qui pour le coup n’est pas un acte de guerre, mais une occasion de se débarrasser d’un rival amoureux). Rentré chez lui, on verra Demester pleurer de honte et avouer qu’il est un « salaud » - comme si la guerre avait eu quelque chose de « civilisateur » pour lui, comme si elle l’avait obligé à reconnaître ce qu’il avait fait et par conséquent à lui faire comprendre ce qu’il était. Pour un personnage qui semblait a priori, et comme c’est toujours le cas chez Dumont, dénué de toute intériorité, le progrès moral est immense. Dans ses précédents films, la violence naissait du néant pour y retourner, inconséquente et irrécupérable, extérieure même à ceux qui en étaient les auteurs. Qu’on se rappelle le Freddy et ses copains de La vie de Jésus incapables de comprendre qu’ils s’étaient rendu coupable d’un viol. Demester lui a changé, c’est la bonne nouvelle de ce quatrième film de Bruno Dumont – le plus grand cinéaste français actuel.

 

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Le cinéma comme croyance

Plus que dans la partie « guerre », c'est dans la partie « Flandres » (nous allions dire « France ») que nous sommes le plus inquiétés. Ici, le spectateur retrouve le chaos, le néant, l'incommunicabilité chers à l’auteur de Twentynine palms, et une folie qui menace cette fois l'héroïne. C'est que « les indemnes aussi en chient », comme aurait dit le Nabe du Régal. Faire un parallèle (et sans tomber dans la « dialectique ») entre les horreurs de la guerre (soit le monde comme il ne va pas) et la douleur de la vie (soit le monde comme il va) est narrativement audacieux et intellectuellement risqué. Jusqu'où le télérameux pourra-t-il suivre Dumont ?

D'autant que la vie dans les films de Dumont ne se réduit pas à l’immanence pure. Arrive toujours le moment où quelque chose d’inattendu se passe à l’écran – l’évasion improbable de Freddy à la fin de La vie de Jésus ou l’instant de lévitation de Pharaon dans L’humanité. Sauf que l’inattendu dans Flandres n’a pas besoin d’être spectaculaire. Lorsqu’à l’hôpital psychiatrique, Barbe fait sa crise d’hystérie, nous supposons d’abord, comme ce que disent son père et son médecin, qu’à l'instar de sa mère, elle a  un problème mental. Mais quand nous l’entendrons affirmer à Demester, de retour au pays, qu'elle sait que son fiancé n'est pas mort d'un simple balle dans la tête, que c’est lui, Demester, qui l’a abandonné, et qu’elle le sait parce qu’ « elle l’a vu », nous comprendrons alors, du moins si nous nous le permettons, que sa folie passagère relevait bien plus d’une connaissance extralucide que d’une simple maladie mentale. Pour qui veut comprendre la signification profonde du film, ce saut (kierkegaardien) du clinique au mystique s’avère nécessaire. Et c’est précisément ceux qui ne se le permettent pas qui vont être les plus grands ennemis de ce film, n’y comprenant d’ailleurs plus rien (car sans cette interprétation spirituelle, le récit lui-même n’a plus de sens). Pour eux, Dumont apparaîtra comme un affreux nihiliste alors que c'est un mystique miséricordieux.

Telle une héroïne claudélienne qui « ressent » et devine les choses de loin, Barbe possède ou plutôt est possédée par un pouvoir de télépathie qui lui a fait voir ce qui s’est réellement passé au combat (et peut-être, même si le film ne l’explicite pas clairement, bien plus qu’elle n’en dit : elle a vu le viol, elle a vu la castration, elle a tout vu.) Déjà dans L’humanité, Pharaon pressentait que son ami était l'auteur du crime - et allait pousser un long cri de douleur dans les champs le temps qu'un train passe. Au spectateur rationaliste qui n’aime pas trop que le cinéma flirte avec la croyance (se méprenant par là-même complètement sur la nature de celui-ci, car comme le dit Dumont, « le cinéma c’est la croyance »), et qui s’acharne à ne voir en Barbe qu’une hystérique et non une voyante, Flandres apparaîtra au mieux incompréhensible, au pire inacceptable.

Et tout comme Pharaon, Barbe pardonnera. A l'anthropologie la plus abjecte répond la rédemption la plus douce. La femme accomplit le miracle de l’amour auprès du salaud. La femme permet à l’homme de lui faire dire « je t’aime. » De la guerre à son retour au pays, Demester a terminé son éducation morale et sentimentale et s’est forgé une âme.

Passer du réalisme le plus âpre au spiritualisme le plus irrationnel, et en excluant tout aspect sociologique du monde (tarte à la crème de ce genre de films), tel est le credo de ce cinéaste singulier qui risque de passer comme provocateur et moralement douteux aux yeux de tous les  rationalistes exemplaires. Car c’est bien cette volonté de montrer le réel sans recourir au « socio-politique » qui est aujourd'hui tabou. Dumont change la donne du cinéma français en osant raconter des histoires humaines où l’existentiel prime sur le psychologique, où le spirituel l’emporte sur le « sociétal », et où la mystique (c’est-à-dire, comme il l’explique lui-même, « l’intuition qu’il y a une unité ») pulvérise l’idéologie. Enfin un cinéma social non sociologique pourrait-on dire et qui s’ouvre à la dimension verticale… de l’humanité ! Pour qui la guerre et l’amour ne se racontent que selon un mode historique, économique et social, Dumont sera un monstre. Mais pour qui les vrais traits de l’humanité se saisissent par la croyance, la transcendance et l’existence pure, il sera un archange.

 

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(10 octobre 2008 : Cet article est paru dans feu La revue du cinéma n°4, décembre 2006 sous la signature d’Armand Chasle)

La France Big Brother, de Laurent Obertone - "1984" ou "La guerre du feu" ?

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SUR LE HUFFINGTON POST

 

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Le revoilà, l'Avengers de la sociologie mise à bas, le X-men de l'idéologie déculottée, l'Orange mécanique de la France réelle, le journaliste enragé (et non « encarté » comme on voudrait le forcer à « avouer ») qui décrit, décrypte, défrise les expertises officielles, affole la bien-pensance et hante les cauchemars d'Aymeric Caron - j'ai nommé Laurent « Obertonnerre », celui qu'on n'ose pas ou plus inviter sur les plateaux télé, ou qu'on décommande à la dernière minute, celui à côté duquel Eric Zemmour paraît un bisounours et Michel Houellebecq un Shadock, celui dont les livres cartonnent au grand dam des observateurs officiels car ils sont une revanche des gens sur les élites, du provincial sur la capitale, du plouc imprécateur sur l'intello censeur.

Il est vrai que l'auteur de La France Orange mécanique et d'Utoya a un sens de l'intempestif peu commun. Dans ce nouveau livre, conçu comme une série de lettres envoyées par les tenants d'un Pouvoir totalitaire à un « Monsieur Moyen » qui serait chacun de nous, il s'agit rien moins d'expliquer comment « nous », habitants du pays de Voltaire et parlant la langue de Molière, avons pu être à ce point aliénés moralement, politiquement, socialement, esthétiquement, historiquement, et par-dessus tout biologiquement et zoologiquement. Car pour Obertone, il s'agit moins d'aliénation que de dressage, de cité que de zoo, de robot que de chien, de loup, de mouton, de poule et même de porc. En lecteur assidu de Konrad Lorenz (dont L'Agression, une histoire naturelle du mal pourrait servir de titre générique à ses trois livres), il traite l'homme moyen comme un animal domestique qui aurait perdu tout instinct de survie - ce qui, disons-le tout de suite, ne va pas sans poser de petits problèmes de réductionnisme. Si le darwinisme social a ses vertus, il a aussi et assez vite ses limites. Or lui, Obertone, n'a pas de limite, si bien qu'à un moment donné son livre si fort, si drôle, si exact dans ses informations, devient problématique quant à son sens profond. On a beau trouver très pertinentes les remarques sur la perte de nos immunités défensives, la chute de notre instinct de survie, notre propre haine de l'anthropologie classique qui était jusqu'ici garante de notre présence au monde, on se dit que ses comparaisons animalières permanentes font long feu. Et que même si l'on rit souvent (« Tu crois que François Hollande aurait eu une chance, face à un tigre à dents de sabre du paléolithique supérieur ? »), son approche presqu'exclusivement comportementale et « survival » de l'humanité finit par rendre perplexe - et nous donner envie de lui dire : « ok Laurent, tu dénonces la dimension 1984 de notre époque, mais tu ne plaiderais pas pour un retour à la guerre du feu, là, quand même ? »

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Konrad Lorenz

 

En même temps, et c'est toute l'ambiguïté de ce livre bien informé et mal conçu, on se régale. Les portraits font mouche (Plenel, Taubira, Barthès, BHL), les chiffres corrigent quelques vieux fantasmes (aux Etats-Unis, les Blancs sont deux fois plus victimes des Noirs que l'inverse ; en France, la différence de salaire entre hommes et femmes est ultra-marginale) ; les déclarations des uns et des autres, diaboliquement remises à jour (dont celles de Najat Vallaud-Belkacem sur la théorie du genre, affirmée comme telle en août 2011 puis niée en juin 2013), rappellent comment la manipulation est à ce point formatée, légitimée et surtout acceptée dans notre beau pays. Certes, Obertone n'hésite pas à puiser abondamment dans des travaux déjà faits, d'ailleurs très honnêtement cités, comme tel article de Science, Slate ou Capital, ou tel ouvrage de référence comme La Face cachée du Monde, de Péan et Cohen, ou encore La Barbarie intérieure, magnifique essai sur « l'immonde moderne » du regretté Jean-François Mattéi - mais qui l'en blâmerait ? L'information est faite pour circuler, et ce qu'un public intello a lu, par exemple, sous la plume de ce grand philosophe disparu l'an dernier, le grand public le lira sous la plume de ce journaliste infréquentable à force d'être intraitable qu'est Obertone. C'est d'ailleurs ce qui déplaît tant chez ses contempteurs qui sont légion. Qu'il vende la mèche à tous. Qu'il déverse des vérités grossières sans déontologie, hors de tout esprit de sérieux ou de conscience « responsable ». Obertone, au fond, est aussi « irresponsable » qu'un célèbre journal qui vient récemment de payer le prix du sang pour avoir osé être libre sans dieu ni maître. Et c'est pour cette raison que personne ne veut discuter avec lui. Quelqu'un qui écrit sans complexe, à propos du sacrifice expiatoire de Cahuzac via Médiapart, que « le pire est souvent légal », que c'est grâce à Libération, Le Monde et L'Humanité, que « la France est mentalement communiste », que« subventionner la presse, c'est exactement comme si on obligeait les gens à acheter les journaux qu'ils ont choisi de ne pas lire » ou, encore mieux, que l'antiracisme est le« knout du régime » , et que l'islamophobie, voudrait-on nous faire croire à propos de la décapitation de Hervé Gourdel, est pire que l'islamisme ne peut décemment être invité sur Canal +.

 

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Sans compter l'analyse du féminisme dans le chapitre le plus savoureux et le plus osé du livre intitulé comme il se doit « le camp des seins » et dans lequel on apprend, entre autres, comment les féministes radicales ont déclaré la guerre à l'anisogamie - soit cette réalité physiologique qui veut que « les mammifères femelles s'investissent plus que les mâles dans leurs progénitures » et dès lors développent des facultés différentes que celles de la créature qui les a ensemencées. Du fait que pour une femme, concevoir un enfant occupe neuf mois de sa vie, c'est son cerveau lui-même qui a choisi la stabilité, la paix, l'ordre invariant des choses, soit tout ce qui permet d'assurer la gestation et la protection de son enfant - alors que l'homme, qui peut avoir des centaines d'enfants par an sans même s'en rendre compte, est beaucoup plus sensible au changement de temps, aux mutations historiques, à la violence voulue comme telle - et au charme de la voisine. Contrairement à l'adage répandu, la femme est finalement beaucoup plus « invariante » qu'elle ne « varie », au contraire de son irresponsable compagnon toujours prêt à mettre en péril le monde. Même « un ver de terre mâle a un cerveau différent d'un ver de terre femelle (Science, août 2012) », va jusqu'à écrire Obertone. Mais c'est cette inégalité sexuelle qui est « le prix de la civilisation » et le garant de la vie.

 

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Avouons-le, notre ancien collègue du Ring s'emmêle parfois les pinceaux, notamment quand il parle d'art : qu'est-ce que c'est que ce jugement sur Matisse qui « dessine mal », Laurent, enfin ? Et comment mettre sur le même plan l' auteur du « Grand nu rose, couché » de 1935 avec la « performance », pour le coup bien débile, de cette « artiste » venue récemment exhiber son sexe devant L'origine du monde de Courbet au Musée d'Orsay ? En fait, c'est à partir de ce moment qu'on finit par se demander qui est exactement ce Big Brother avec lequel tu tiens à nous faire si peur. Les media ? L'Etat ? Tout le monde ? Nous-mêmes ? Moi-même ? Toi-même ? En vérité, trop de big brother tue le big brother. Si sur le plan littéraire, ton enquête fonctionne à merveille car tu sais comme pas un faire d'un livre un compte à rebours, sur le plan sociologique, celle-ci finit par faire long feu, et à flirter avec une sorte de paranoïa que pour ma part, je suis bien incapable de suivre.

Passons sur ta dénonciation du « dysgénisme » censé propager les débiles (« le contraire de l'eugénisme », sembles-tu écrire avec regret [1]), ainsi que sur ta critique plutôt douteuse du refus de l'Etat « d'armer ses citoyens », et qui semble signifier, même si tu ne le dis pas clairement, que tu es bel et bien pour que chaque citoyen possède son propre fusil à pompe !!

Non, le vrai problème de ton livre (qui se lit avec avidité, là-dessus, pas de problème), est qu'il semble que pour toi, tout finit par relever de Big Brother - non seulement la presse et certains groupes de pression (et là aussi, comment ne pas te suivre ?), mais encore les institutions en elles-mêmes, l'Education Nationale (et pas celle de la seule Najat Vallaud-Belkacem, non, mais bien celle de Jules Ferry et de Charlemagne), l'Eglise, et pourquoi pas les arts et la littérature, la philosophie et la religion. Et c'est là que je finis par me demander où s'arrête, et d'ailleurs où commence, ta critique. Parce que tout à ta dénonciation tout azimut, tu donnes l'impression de confondre « l'idéologie dominante » avec l'ensemble de nos valeurs communes, la « soumission » avec l'éducation en soi, le « Parti » avec tous les régimes que la France a connus depuis deux mille ans. Big Brother, ce ne serait donc pas simplement les mass media, le « système », le capitalisme ou le socialisme, mais bien le pays lui-même et son Histoire. La République, et avant elle, la Monarchie, l'Empire, l'Ancien Régime, la féodalité, le christianisme, le paganisme, Athènes et Jérusalem, Rome et Babylone - même l'époque Cro-Magnon. Big Brother, à te suivre, ça pourrait commencer à Lascaux ! 2001, l'odyssée de Big Brother ! Notre Big Brother qui est aux cieux ! Et je ne plaisante pas. C'est bien toi qui écris, page 70, que « le passage du polythéisme au monothéisme [est] un premier pas vers l'adoration du Maître » !

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Au bout du compte, Big Brother, ce n'est pas ce qui aliène le monde, c'est le monde lui-même. C'est l'enracinement, l'appartenance, l'hominisation,« la volonté générale » et même« le sens commun » - dont tu prétends être, un comble, le défenseur. Mais le sens commun, Laurent, implique précisément qu'on ne soit pas seul au monde pour s'en réclamer. Ton individu « libre » et affranchi du système, au fond, un être hors de toute collectivité, de toute socialité et de toute Histoire, on se demande à quoi il pourrait ressembler. A part l'homme nu hurlant dans le désert à la fin du Théorème de Pasolini, je ne vois pas...

 

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[1] Et d’ailleurs tu te trompes complètement, car la tendance actuelle est justement à la disparition clinique des trisomiques. Voir l’excellent livre de Bruno Deniel-Laurent sur ce sujet, Eloge des phénomènes.

 

 Laurent Obertone sur ma page :

1 - La France Orange mécanique

2-  Utoya.

Entretien avec Isabelle Kersimon - islamophobie, mythe ou réalité ?

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À en croire certains « vigilants » de la sociologie officielle et certaines associations religieuses et militantes, l’islamophobie serait le fléau de notre temps, cause de tous nos maux, et à l’origine même des violences « islamistes » que nous venons de connaître en France et au Danemark. Dans un livre qui devrait faire date, Isabelle Kersimon et Jean-Christophe Moreau, sans du tout nier la réalité d’actes islamophobes aussi attestés que marginaux, démontrent comment cette notion d’islamophobie a été fabriquée puis instrumentalisée en vue de communautariser la société, en plus d’ajouter à sa culpabilisation permanente.

Rencontre avec la co-autrice (et instigatrice) de cette étude.

 

 

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Ces jours-ci, les médias alertent sur une nouvelle flambée de l’islamophobie en France. Ils se basent sur les nouveaux chiffres du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) qui viennent de tomber. Mais de quoi parle-t-on exactement ?

Les statistiques du CCIF, entre fin 2003 et fin 2012 - les relevés ne figurent plus dans ses rapports depuis 2013 -, constituent un véritable inventaire à la Prévert. Toutes sortes d’actes y sont recensés comme islamophobes, dont une partie non négligeable ne relève en rien de délits à motif religieux. Par exemple, des fermetures administratives de mosquées clandestines ou ne respectant pas les obligations de sécurité ; des expulsions d’individus impliqués dans des entreprises terroristes ou tenant des discours antioccidentaux et antisémites virulents ; mais aussi des crimes ou délits dont il a été établi que l’intention de leurs auteurs était indépendante de la religion de leurs victimes (vols de cuivre sur des chantiers de mosquées, par exemple). Les cas sont nombreux où la stricte application de la loi est dénoncée comme acte islamophobe - ce qui pose un sérieux problème spéculatif  et idéologique : tout se mélange dangereusement.

Par exemple ?

Parmi les actes relevés suite aux attentats de janvier, évidemment inadmissibles et condamnables, certains sont aussi sujets à caution. Le 8 janvier, en marge de la minute de silence, un lycéen maghrébin a été roué de coups devant son établissement à Bourgoin-Jallieu, en Isère. Considérée comme l’expression de l’« islamophobie ambiante », cette agression s’est finalement révélée être un règlement de comptes entre adolescents, dont l’un a été condamné pour violences aggravées car commises à proximité d’un établissement scolaire. Autre exemple : celui de ce meurtrier ayant poignardé un père de famille musulman à Beaucet en janvier, diagnostiqué schizophrène et dont, pour l’instant, le parquet n’a pas établi qu’il y ait eu la circonstance aggravante d’islamophobie. Or, avant que l’aspect islamophobe ait été reconnu, le CCIF surfe sur cette tragédie.

J’ajouterai enfin que s’il existe une vague de haine dirigée contre les personnes principalement, c’est l’antisémitisme : 51 % des violences racistes commises en France ciblent des juifs (moins de 1 % de la population). Malheureusement, nous assistons à une compétition victimaire indigne.

 

 

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Peut-être pour « rassurer » le lecteur « méfiant », vous  précisez dès le début de votre essai que celui-ci ne veut aucunement nier les vrais actes islamophobes mais dénoncer une extension de ce terme à des fins abusives.

Pour moi, il n’existe pas d’« actes islamophobes », mais des actes antimusulmans : les profanations et les agressions de personnes. Ces actes existent en France, malheureusement, et ils sont heureusement réprimés par la loi.

Le terme d’islamophobie a été forgé par des administrateurs coloniaux français au tout début du XXe siècle pour dénoncer la diabolisation politique de l’islam, perçu comme la négation de la civilisation, et des musulmans, considérés comme ennemis naturels, ontologiques, irréconciliables, des chrétiens et des Européens. C’est la seule acception qui, d’ailleurs, me paraisse pertinente puisqu’elle désigne historiquement un rejet fondé sur une vision réductrice et essentialiste. Plus tard, les ayatollahs ont repris ce terme pour condamner ce qu’ils jugeaient être des errances non conformes à leur vision religieuse, à leur orthopraxie.

En fait, le terme est réapparu en France, indirectement, au moment de l’affaire Rushdie, puis brutalement, lors du procès intenté à Michel Houellebecq, en 2002 et avec la publication en 2003 de La Nouvelle Islamophobie du sociologue Vincent Geisser. Il est entériné en 2005 par le Conseil de l’Europe à Varsovie, au même titre que l’antisémitisme, ainsi que par l’OCI (Organisation de la coopération islamique).

Tout le monde peut donc être soupçonné d’islamophobie ?

En effet. Lorsqu’on accuse par exemple Michel Onfray d’être islamophobe, on lui reproche essentiellement de poser un regard (très) critique sur l’islam. C’est son droit le plus strict et qui n’a rien à voir avec une agression de personnes ni même avec un quelconque « racisme ». Il en fait d’ailleurs usage à l’égard des deux autres monothéismes. La liberté absolue d’exprimer toute critique doctrinale est chez nous sacrée depuis Spinoza.

Or, les promoteurs du concept d’islamophobie ont, d’une part, racialisé la question dans le but de la rendre délictuelle, et, d’autre part, s’emploient à dénoncer toute critique de l’expression publique d’un certain islam comme islamophobe et persécutrice. Enfin, ils visent à réhabiliter le délit de blasphème. Avec eux, « l’islamophobie n’est pas une opinion, c’est un délit ».

 

 

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Peut-on dire que l’islamophobie est un anticléricalisme appliqué à l’islam et non un « racisme » comme certains bien-pensants aimeraient nous en persuader ?

Je réfute le terme de « racisme antimusulman », justement dans la mesure où je ne considère pas l’islam comme un bloc monolithique et les musulmans comme ayant un trait commun irréfragable : leur croyance en un islam qui serait un tout indifférencié. Par ailleurs, l’islam n’est ni un peuple, ni une ethnie. Quiconque, Européen, Américain, Asiatique ou Africain peut s’y convertir. Enfin et curieusement, la notion de racisme antimusulman se substitue à celle de racisme anti-arabe. Or, tous les Arabes ne sont pas musulmans ; et tous les musulmans ne sont pas Arabes. Cette notion est donc un raccourci que les associations comme le CCIF ont réussi à faire adopter, avec, indifféremment, l’un ou l’autre concept : une confusion ethnico-religieuse où toute agression envers une personne supposée musulmane en raison de son origine ethnique serait une agression non contre la personne, mais contre sa confession supposée. Pour le CCIF, le racisme n’est plus simplement ethnique, si l’on ose dire, mais bien religieux.

Adieu l’anticléricalisme d’antan !

L’islamophobie strico sensu serait en  effet proche de l’anticléricalisme politique qui est notre sport national depuis toujours. On veut se moquer de l’imam comme on se moquait, et ô combien, du curé. N’oublions pas que dans notre démocratie, si la personne est sacrée, sa religion ou son idéologie, en revanche, ne le sont pas.  J’ai le droit de me moquer de vos idées et de vos croyances, pas d’appeler à la haine contre vous. Le CCIF veut confondre la personne avec ses idées – et, de fait, interdire la critique de celles-ci !  L’islamophobie n’a donc rien d’un racisme.

 

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Le problème, comme vous le dites, c’est « la loi commune » laïque, égalitaire, républicaine qui, aujourd’hui, devient elle-même islamophobe, voire raciste, dès qu’on décide de l’appliquer.

La dénonciation exponentielle, par le CCIF, d’actes antimusulmans se double d’un discours très construit sur un rejet national et institutionnel de l’islam et des musulmans. Il repose sur l’idée que politiques, législateurs et médias minoreraient ce type d’agressions, ce qui est évidemment une vue de l’esprit, sinon un outil de propagande. La remise en cause de la laïcité, par l’adoption fréquente de mots tels que « laïcards » ou « laïcistes », qui critique pêle-mêle les lois de 2004,  2010 et les lois de séparation notamment sur le financement des lieux de culte, vise, plus globalement, l’universalisme républicain ainsi que la notion d’égalité homme-femme telle que la France l’a connue, développée, expérimentée puis institutionnalisée dans son histoire.

Même si l’expression a été utilisée récemment à tort et à travers, vous êtes d’accord qu’il ne faut pas faire « d’amalgame » entre l’islam, troisième religion monothéiste du livre, et l’islamisme, catégorie politique, s’il en est ? L’islam n’est pas l’islamisme comme du reste l’islamophobie n’est pas le racisme ?

Vous avez raison d’établir un parallèle entre les amalgames : l’islam n’est pas l’islamisme (cela dit, on a longtemps employé l’un et l’autre terme sans volonté d’appuyer une péjoration pour le second, mais ce n’est plus le cas de nos jours) ; l’islamophobie n’est pas un racisme. Le terme islamisme demeure cependant flou, mais on comprend bien qu’il désigne un islam ultra rigoriste - dans lequel on évoque pêle-mêle wahhabisme takfiriste ou Frères musulmans -, voire potentiellement subversif, politiquement (islamisme) ou militairement (djihadisme).

Dans tous les cas, il est fort de café d’entendre toujours les mêmes accusations d’islamophobie. D’une part, l’intégralité du monde politique (hormis Marine Le Pen) a soigneusement évité d’employer les mots « islamisme/islamiste » au moment des attentats et pendant quelques jours ; d’autre part, la mise en garde la plus populaire, du côté des médias comme des réseaux sociaux, a été le désormais trop célèbre « pas d’amalgame ». On ne peut donc objectivement pas, contrairement à ce que prétend le CCIF, accuser politiques et médias d’avoir encouragé l’« islamophobie » à l’occasion.

 

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N’y a-t-il pas dans cette soi-disant explosion de « l’islamophobie » une responsabilité patente d’une certaine tendance des sciences sociales où l’on invente sans cesse de nouveaux paramètres qui vont prouver un peu plus chaque jour que nous sommes islamophobes, racistes – et d’ailleurs sexistes, homophobes, responsables et coupables de tous les maux du monde ?

Nul besoin d’inventer de nouveaux critères. Ils ont été définis par le Runnymède Trust, un think tank britannique multiculturaliste, en 1997. Ce qui se dessine depuis cette date, c’est plutôt une nouvelle procédure taxonomique. En l’occurrence, les zélateurs du concept orientent leurs doléances dans deux directions : les institutions et les médias. Ils parlent donc d’islamophobie d’État et d’islamophobie médiatique. Et ajoutent à la confusion.

Que pensez-vous de la déclaration d’Emmanuel Todd dans Le Figaro quand il dit que  « blasphémer l'islam, c'est humilier les faibles de la société que sont ces immigrants »[1] ?

On pourrait comprendre ses réticences si l’on considérait l’Occident comme un grand tout dominateur, exploitant et méprisant les cultures islamiques, à tort à mon avis. J’aurais pu entendre ses doléances s’il avait analysé les responsabilités russe et américaine dans les déflagrations afghane et irakienne, voire française en Libye et les drames humains consécutifs. Il ne faudrait pas pour autant négliger les racines idéologiques du djihad et le rêve de Califat, ces crispations identitaires mondiales qui n’ont pas besoin de l’Occident pour exister. Sa prise de position est inaudible pour moi lorsqu’il évoque les immigrants, car ses présupposés sont inacceptables : 1) Tous les immigrants en provenance du Maghreb ou d’Orient ne sont pas musulmans ; 2) La classe ouvrière n’est pas exclusivement musulmane ; 3) C’est montrer une condescendance de classe que d’ignorer l’émergence d’une classe moyenne musulmane ; 4) C’est mépriser le libre-arbitre que de supposer que les ouvriers musulmans sont tous inaptes à apprécier l’humour de Charlie ou, à tout le moins, tous incapables d’y rester indifférents ; 5) Les jeunes de banlieue ne sont pas les seuls qui souffrent économiquement. Une récente étude d’envergure montre que la discrimination à l’emploi touche surtout les +55 ans, les femmes enceintes et les obèses.

 

 

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À propos de la « victimisation des musulmans », vous parlez des « impasses du mimétisme analytique » auxquelles aboutit cette comparaison douteuse entre islamophobie et antisémitisme… car enfin, et contrairement à l’islamophobie, l’antisémitisme a tué et continue de tuer - tout comme d’ailleurs l’islamisme.

L’antisémitisme a persécuté et assassiné ses victimes pour avoir été juives, quel que fut leur degré de religiosité. Ce n’est en effet pas le cas de l’islamophobie, même telle que définie par le CCIF et consorts. Ainsi, en France, les musulmans victimes d’agressions d’autres musulmans parce que leurs pratiques ne sont pas orthodoxes (ramadan non respecté, non-port du voile…) ne sont pas la préoccupation du CCIF. Par ailleurs, les configurations juridique et sociale ne sont absolument pas comparables : l’arsenal juridique protégeant aujourd’hui les musulmans n’existait pas pour les juifs dans les années noires, de même qu’il n’existe pas en France aujourd’hui moult ligues et journaux dont la raison d’être serait la haine des musulmans. Nul pamphlet célinien contre les musulmans !

Ce qui est sûr, c’est que les promoteurs du « délit d’islamophobie » ont mis en place une armada de concepts  - ce « mimétisme analytique » - pour que cette comparaison finisse par s’imposer comme une évidence. Leur but, in fine, est de voir l’islamophobie érigée au rang de crime contre l’humanité. Depuis au moins 2009, le Premier ministre turc Erdogan l’a d’ailleurs déclaré plusieurs fois et devant plusieurs instances (entre autres l’ONU et l’OCI). Ekmeleddin Ihsanoglu, secrétaire général de l’OCI, a affirmé au Monde en 2010 que « nous nous dirigeons vers un paradigme ressemblant à l’antisémitisme des années 1930 ». Ce mantra connaît une belle prospérité, alors même que la moitié des actes racistes frappent les Juifs, qui représentent moins de 1 % de la population.

Au fond, ce délit d’islamophobie qu’on veut faire reconnaître n’est rien d’autre que l’ancien délit de blasphème. Que dit exactement le droit français là-dessus ?

Le délit de blasphème a été abrogé en France en 1789, mais il perdure en Alsace-Moselle, comme une part d’héritage du Code pénal allemand de 1871, dans le cadre du régime concordataire. Il n’a heureusement jamais été appliqué. La veille de la tuerie à Charlie Hebdo, des représentants de l’ensemble des cultes d’Alsace-Moselle ont demandé son abrogation. À ce jour, il n’y a plus d’unanimité.

À quoi aboutirait, selon vous, une « laïcité ouverte », apparemment votre bête noire ?

La « laïcité ouverte » correspond selon moi à l’irruption de tous les particularismes religieux dans la sphère publique et à une hyper confessionnalisation de la France, que j’estime dangereuse pour la communauté nationale.

 

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Que vous inspire l’affaire de l’enseignant suspendu parce qu’il ne voulait pas faire cours devant une étudiante voilée ? Certes, la loi, qui interdit le voile à l’école, le permet à l’université, mais cette affaire n’est-elle pas le symptôme de quelque chose de plus grave ?

Cet enseignant, par ailleurs avocat, savait parfaitement à quoi il s’exposait puisque les signes ostensibles d’appartenance religieuse ne sont pas interdits à l’université. Cette affaire révèle les crispations qu’engendrent l’atomisation accrue de notre société et la radicalisation identitaire : une étudiante voilée se présente à autrui d’abord comme musulmane. Ce phénomène, qui commença à Creil en 1989, nous rapproche de la vie communautaire anglo-saxonne.

[Sur ce sujet, lire l'excellent article de Jean-Paul Brigelli : "face à la vague noir, interdisons le voile à l'université"]

 

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« Le concept d’islamophobie,écrivez-vous, repose sur une théorie qui prétend révéler les ressorts d’un phénomène social (les différentes formes de rejet de l’islam) mais dont la véritable fonction est d’influencer l’action politique en faveur d’une seule catégorie d’acteurs sociaux (la « communauté musulmane »). Vous ne virez pas complotiste, là ?

Le CCIF milite activement pour l’abrogation de la loi de 2004 sur les signes religieux ostentatoires à l’école ; et l’OCI souhaite étouffer toute expression critique de l’islam, ce sont des objectifs publics, or vous savez que les complots sont tenus secrets ! Ainsi, l’OCI a mené campagne à l’ONU, entre 1999 et 2011, pour instaurer le délit de « diffamation des religions », un euphémisme pour « blasphème ». La Ligue de défense judiciaire des musulmans (LDJM), association concurrente du CCIF, avait d’ailleurs assigné Charlie Hebdo pour blasphème devant le tribunal correctionnel de Strasbourg en 2013. Quoi qu’il en soit, en poussant le concept de racisme antimusulman, le CCIF voudrait voir disparaître le principe selon lequel, en France, on ne réprime pas des discours dits islamophobes, sauf s’ils visent expressément des personnes (diffamation, injure, provocation à la haine, à la discrimination et à la violence). Pour résumer, les actions du CCIF visent à instaurer une sorte de justice d’exception pour les musulmans et tout ce qui relève de l’islam. Car il n’y a pas de « communauté musulmane », mais des personnes de confession musulmane, et des lois communes, quelle que soit la confession des personnes.

 

isabelle kersimon,jean-christophe moreau,islamophobie,ccif,charlie hebdo

 

Avez-vous lu Soumission, de Michel Houellebecq ?

Je suis une grande admiratrice de Michel Houellebecq, et les procès en islamophobie qui lui sont faits à l’occasion sont dénués de fondement. Son postulat est le même que celui de nombreux sociologues : face au déclin apparemment inexorable du christianisme en France, rayonnent le dynamisme et la vitalité de l’islam. Reste à savoir quel islam l’emportera.

 

 

Isabelle Kersimon, Jean-Christophe Moreau, Islamophobie, la contre-enquête, Editions Plein Jour, octobre 2014, 288 pages, 19 euros.

 

PISTES A SUIVRE :

 

Caroline Fourest analyse Islamophobie - la contre-enquête sur France Culture. A ECOUTER ABSOLUMENT.

Quand Elsa Ray, porte-parole du CCIF, explique que la radicalisation est le produit de l'islamophobie, face à Claude Askolovitch.
 
Quand Abd al Malick déclare que Charlie Hebdo a "fait preuve d’irresponsabilité en multipliant ces caricatures. Même si le but était de montrer du doigt les intégristes, et même s’ils en avaient le droit au sens légal"(Libération.)
 
 
 

[1] http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/02/06/97001-20150206FILWWW00017-todd-pas-d-accord-avec-je-suis-charlie.php

 


01 - Sagittaire ascendant Cancer

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La première fois que je voyais la Loire, près d'Angers, novembre 2014. Avec Ariane, Raphaël, Kanaé, Bernard, Anne G., Hervé et les autres.

 

Sagittaire ascendant Cancer - ce n'est pas moi qui le précise, mais lui.

« Ma conviction a toujours été que les valeurs aristocratiques et les valeurs populaires sont fondamentalement les mêmes ou se complètent naturellement, et qu'elles s'opposent les unes comme les autres frontalement aux valeurs bourgeoises. »

Romantique, ce tourangeau.

Contrairement à Maurras, il trouve que toute origine est belle. Les siennes, « périphériques [du fait que ses] ancêtres n'ont jamais appartenu à la France intérieure,expliquent sans doute [sa] sympathie pour les régionalismes, [sa] détestation du centralisme jacobin, [sa] faveur pour la notion d'Empire et [sa] critique de l'Etat-Nation » - mais comment peut-on être pour l'Empire et pour la région en même temps ? Et Français sans être centralisateur ? Peut-être le saura-t-on en bout de course.

Terrien et filial, sexué et freudien, quoique farouchement antichrétien car « anti-Unique » et croyant dur comme fer que c'est le christianisme qui est à l'origine de « la pensée unique », une expression qu'il a inventé, il adhère au roman familial et estime que « la relation aux parents est souvent ce qu'il y a de plus déterminant chez les gens », et sur ce point (qui explique aussi sa critique radicale de la théorie du genre), on le suivra jusqu'au bout.

Hélas ! Il n'aime pas dormir et voit dans le sommeil « un vol de l'existence » et non pas, comme c'est notre cas, ce qui nous la fait supporter. Pas oblomovien pour un sou, il lit un livre par jour et en écrit un par semaine. Sa capacité de travail est prodigieuse, sa discipline monastique, son engagement métapolitique total. Même s'il se définit avant tout comme un contemplatif - d'accord, mais surbooké, alors.

Sur l'île déserte, il emporte l'Iliade, ce livre qui contient tous les livres. En novembre dernier, en villégiature à Angers, j'avais emporté sa Mémoire vive, car depuis le temps qu'on m'en parlait, je voulais connaître un peu mieux cet intellectuel qui m'a toujours été aussi proche que lointain. En outre, lorsque je me rends dans la patrie de Bruno Deniel-Laurent, j'apporte toujours un anti-moderne avec moi, histoire de faire enrager Ariane. La première fois, c'était avec Bonald. La seconde, avec René Guénon, la troisième, avec lui, peut-être le plus grand intellectuel français...

Mais qu'est-ce que cette « droite de gauche » ou cette « gauche de droite » qu'il incarne ? Qui est exactement ce gus ?

C'est parti pour une vingtaine de posts, un par jour...

 

alain de benoist,mémoire vive,éléments

 A La Brasserie du Théâtre, Angers.

 

 

A SUIVRE

02 - La détestation de l'Unique.

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alain de benoist,mémoire vive,éléments

 

Epoque modérée, jeunesse agitée. Entre les normatifs de la droite régnante et les conformistes de la gauche triomphante, Alain est, de son propre aveu, « trop idéaliste, trop enthousiaste pour envisager, ne fût-ce qu'un instant, d'adhérer à un parti modéré. » Il est vrai que la jeunesse, l'Histoire l'a montré et les engagements de certains au Da'ech le montre encore, est naturellement fasciste. Mais à cet esprit bouillonnant et brillant, qui a déjà tout lu, ou presque, à seize ans, il faut une troisième voie singulière et innovante. Non pas tant « vieille France » (le maurrassisme lui a toujours semblé superficiel et neuneu) que « nouvelle France ».

De la droite, il a l'amour des origines ; la conscience des réalités primitives (notamment en psychologie où il raisonne un peu comme le Montherlant des Jeunes filles et même, c'est moi qui le rajoute, le Otto Weininger de Sexe et caractère, affirmant savoir distinguer, comme pas un, psychologie masculine et féminine) ; l'instinct nietzschéen (la religion lui apparaît clairement comme le produit de l'esprit de vengeance, l'action politique comme celui du ressentiment - c'est à Nietzsche, avoue-t-il, qu'il doit de n'avoir pas sombré dans l'extrême gauche) ; la sensibilité aux mythes (d'où son intérêt pour Jung).

De la gauche, il a l'intellectualité profonde et la croyance que tout est fondamentalement« idéologique » (un mot non péjoratif sous sa plume) : le réel n'est jamais un pur donné mais au contraire « quelque chose qui ne peut accéder à l'entendement humain qu'au travers du sens qu'on lui attribue ». Le réel devient alors une question d'interprétation, d'herméneutique, de phénoménologie. Ce n'est pas qu'il soit « faux » en soi (comme chez Platon) mais c'est notre perception, brute, immédiate, sensible qui l'est et qu'il faut changer. Le réel n'est jamais « tel quel » mais tel que nous le comprenons (définition élémentaire de la phénoménologie et qui fait que je ne suis pas phénoménologue pour un sou... Impossible pour moi de croire que le réel ne soit que ma représentation. Impossible de penser avec Nietzsche qu'il n'y a pas de faits mais que des interprétations. Impossible de ne pas sentir la douleur physique ou l'orgasme. De ce point de vue, je suis comme Monsieur Jourdain qui a mal aux pieds dans ses nouvelles chaussures et qui se voit répondre par son phénoménologue de Maître Tailleur : "vous vous imaginez qu'elles vous font mal."Non, il y a une objectivité du réel. Une réalité objective du vrai, du bon, du beau.

Mais son grand truc, c'est la détestation de l'Unique, l'Etre unique, la « pensée unique », la société uniforme, l'Etat immobile - et qui va de pair avec sa détestation du monothéisme, responsable, selon lui, de cet état des choses. Là-dessus, je m'inscris définitivement en faux. Le divers n'est rien sans l'unique. Le devenir n'a aucun sens sans être. Le mouvement n'est pas perceptible sans l'immobile. Chaque chose a sa généalogie, son histoire, son procès, mais chaque chose est ce qu'elle est - ne serait-ce que pour la définir ou la dépasser. Sinon, c'est le chaos et le chaos n'est pas tenable mentalement, physiologiquement, nerveusement. C'est manquer cruellement d'orthodoxie que de soutenir le contraire. Mais Alain de Benoist ne serait-il pas tout simplement, comme Deleuze et tant d'autres,.... un hérétique ?

« La philosophie de l'être [qu'il confond à cette époque avec la philosophie chrétienne], me paraissait ennuyeuse. Elle se rapportait à ce qui ne change jamais, ce qui est toujours pareil, immuable, identique, figé. Elle signifiait le Même, alors que dans l'évolution des formes vivantes se donnait à voir le chatoiement des différences. Ma terreur de l'ennui, mon exécration de l'uniformité alimentaient mon hostilité envers la philosophie de l'être. »

D'où son attirance pour la théorie de l'évolution qui lui apparaît d'emblée comme une « évidence scientifique ». D'ailleurs, il virera scientiste un temps. Et scientiste, lui-même le reconnaîtra un peu plus tard, ça veut dire raciste.....

 

A PROPOS DE L'AFFAIRE VALLS / ONFRAY / DE BENOIST :

- Michel Onfray sur Manuel Valls :"dans le dictionnaire, ça s'appelle un crétin", sur Europe 1.

- L'interview d'Alain de Benoist dans Le Point.

- "Michel Onfray et les idées justes d'Alain de Benoist", par Renaud Dély dans L'Obs.

- Interview de Michel Onfray par Léa Salamé sur France Inter

- "Alain de Benoist n'a rien à voir avec le FN", par Stéphane François, dans Libération.

 


A SUIVRE

03 - Idéologiquement structuré

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alain de benoist, mémoire vive, éléments, solange bied-charreton, guerre d'algérie

« Ce qui m'éloigne le plus d'elle [de la droite], c'est son allergie à toute réflexion de nature idéologique ».

Yes. La droite classique, orthodoxe, traditionnelle, en effet, ne croit pas à l'idéologie - ou plutôt ne se définit pas du tout, elle, comme idéologique. L'idéologie, ça n'a jamais été que la gauche avec sa manie de la sociologie, du constructivisme et même de la culture.La culture est née avec la gauche, disait Philippe Muray dans son Journal. Alors que pour la droite, toujours un peu essentialiste et naturaliste, l'approbation de l'ordre des choses va de soi. Le divin préjugé remplace la réflexion. Le dogme sublime remet la raison à sa place. Le réel se suffit à lui-même et surtout c'est lui qui se donne à nous et non nous qui lui donnons un sens ou une... réalité, comme il le prétend.

Pour Alain de Benoist, phénoménologue fort orthodoxe en ce sens, « rien n'est neutre » et « la façon dont on regarde le réel n'est jamais directe ou transparente ».

Et de rajouter ce sur quoi il va longuement insister :

« quand on est IDEOLOGIQUEMENT STRUCTURE, on réalise en général très bien cela [que le réel est moins un donné qu'un résultat de nos dons à nous], tandis que ceux qui sont mal structurés, ou qui ne le sont pas du tout, ne sont pas même conscients de l'existence de ce filtre qui joue alors chez eux un rôle de surmoi. »

Coucou, me voilà, avec mes amis Clément Rosset, Chesterton, Burke, et tous ceux qui pensent, comme les gros débiles de notre genre, que le réel n'est pas dialectique mais tautologique, que les choses sont beaucoup plus simples qu'on ne le croit et que le préjugé est mille fois plus structurant et dix mille fois plus moral que l'idéologie. En vérité, comprendre, c'est jouir, comme disait Paul Claudel. Et pour l'instant, elle ne me fait pas trop jouir, la pensée de la Nouvelle Droite. Alors que Burke !

«  Vous voyez, Monsieur, que dans ce siècle de lumières, je ne crains pas d'avouer que chez la plupart d'entre nous [les connards et les connasses de droite, NDLR]  les sentiments sont restés à l'état de nature ; qu'au lieu de secouer tous les vieux préjugés, nous y tenons au contraire tendrement et j'ajouterai même, pour notre plus grande honte, que nous les chérissons parce que ce sont des préjugés – et que plus longtemps ces préjugés ont régné, plus ils se sont répandus, plus nous les aimons. C'est que nous craignons d'exposer l'homme à vivre et à commercer avec ses semblables en ne disposant que de son propre fonds de raison, et cela parce que nous soupçonnons qu'en chacun ce fonds est petit, et que les hommes feraient mieux d'avoir recours, pour les guider, à la banque générale et au capital constitué des nations et des siècles.En cas d'urgence le préjugé est toujours prêt à servir; il a déjà déterminé l'esprit à ne s'écarter jamais de la voie de la sagesse et de la vertu, si bien qu'au moment de la décision, l'homme n'est pas abandonné à l'hésitation, travaillé par le doute et la perplexité. Le préjugé fait de la vertu une habitude et non une suite d'actions isolées. » 

Qu'importe. En avant pour la contre culture pour laquelle ADB, et que nous appellerons, à l'instar de Solange Bied-Charreton, « Deub's », semble avoir toujours eu une prédilection, que celle-ci ait été communiste, nationaliste, indo-européenne, voire celtique - l'essentiel étant de toutes façons de repérer et de combattre l'ennemi numéro un (et d'ailleurs unique - ce qui pour un contempteur de l'Unique est un peu fort, mais passons), à savoir le « gros argent », la loi du fric, la finance despotique. La lecture, à cette époque, du livre de Henry Coston (antisémite et collaborationniste de choc, et le premier infréquentable de ce parcours), Les financiers qui mènent le monde est, pour Deub's déterminante -  autant que sa rencontre avec la belle Marie-Jo, dont la photo ne le quittera jamais.

Pour l'antilibéral« structuré idéologiquement », le mal absolu, c'est l'économique et non pas le politique ou le religieux. Et par extension, non pas tant le terroriste que le banquier. Non pas tant Da'ech ou Boko Haram que Wall Street.  Le mal, ce n'est pas le couteau qui sert à égorger, mais l'argent qui a servi à acheter le couteau. Des conneries, évidemment.

Amour, amitiés... C'est encore à cette époque qu'il rencontre au FEN (Fédération des étudiants nationalistes) ses futurs compagnons de route, François d'Orcival, futur directeur de Valeurs actuelles, ainsi que le très walhallien Dominique Venner.

C'est le temps du militantisme bagarreur, des fin de soirées au commissariat, de l'engagement quasi sectaire (« tu dois tout au mouvement, le mouvement ne te doit rien »), de la radicalité pure et dure (« pire que chez les maos ou à Lutte ouvrière », précise Alain qui ne comprend toujours pas comment on peut être catholique sans être prêtre.) Dans ces cercles nationalistes, on ne s'appelle pas « camarade » mais « ami », on ne doit pas partir en vacances sans avoir prévenu la cellule et encore moins se marier sans le signaler.

Dans la vie de tous les jours, on se la joue très OSS 117 avec lunettes noires et messages codés. A ce propos, notons que si on défend l'Algérie Française, c'est moins pour celle-ci que pour faire la révolution en France. En vérité, on instrumentalise la guerre d'Algérie car on recherche « le détonateur susceptible de déboucher sur le seconde Révolution française ». Ce qui n'empêche pas Deub's de comprendre la réalité de la tragédie algérienne - tragédie au sens « où il n'y a pas seulement des événements tragiques, mais des conflits de devoirs » et qui concernent tous les acteurs de cette affaire, Pieds Noirs, militaires, combattants de l'indépendance, harkis. La guerre d'Algérie est, comme tous les conflits véritables, non pas un conflit entre le bien et le mal mais un conflit entre différents biens, différentes légitimités, différentes résistances. FLN contre OAS, c'est Créon contre Antigone.

« Si j'avais été Français d'Algérie, j'aurais certainement rejoint l'OAS ; si j'avais été jeune Algérien, j'aurais certainement rejoint le FLN ».

Voilà, tout est dit. Quoiqu'on pense de lui, il y a de la grandeur chez ce de Benoist.

 

A SUIVRE

04 - La question du "réalisme biologique"

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Ses premiers articles sont consacrés à ce qu'il appelle les « techniques d'ahurissement, c'est-à-dire les méthodes employées par les médias pour sidérer l'opinion, désarmer l'esprit critique » et forger ce qu'on appellera bientôt « la pensée unique », expression qui aurait pu faire sa fortune s'il avait pu toucher des royalties dessus puisqu'il en est l'auteur.

Se passionnant de plus en plus pour l'ultra-gauche dont il lit avec ferveur les auteurs les plus radicaux (Lénine, Rosa Luxembourg), c'est pourtant toujours la droite qu'il rêve de réformer. Opérer unaggiornamento de la droite. Une droite, qui grâce à lui, deviendrait critique, positive, activiste. 

Oserions-nous dire comme dans la pub avec Gad Elmaleh  « je rêve d'une droite intellectuelle, d'une droite "d'avenir", d'une droite de civilisation ? D'une droite européenne ? Oui, je rêve d'une droite intelligente.... » Et même d'un nationalisme européen ? D'une Europe identitaire ? Et qui irait de pair avec un« anti-christianisme affirmé » (décidément !) doublé d'une « conception biologisante de la société, qui impliquerait à la fois le matérialisme biologique et le racisme (pudiquement rebaptisé réalisme biologique.) »

----------------------> Voilà, « réalisme biologique », c'est page 77.<--------------------------

Ainsi, tous ceux qui parlaient des errances d'Alain de Benoist et que ses sbires et lui-même accusaient de « parler sans savoir », de « critiquer sans avoir lu », de « polémiquer par ignorance » avaient raison. La rumeur était fondée. Il y avait bien quelque chose d'un peu... heu... bizarre dans le chemin de pensée de cet intellectuel, d'un peu trouble, d'un peu "nauséabond", comme on dit quand on veut se faire bien voir de La France Big Brother. Mais quoi ? Aucune opinion n'est un délit à nos yeux, d'autant plus que dans son cas, il finira par abandonner celle-ci. En vérité, ce« matérialisme biologique » aura été la grande erreur d' « Europe Action », reconnaitra-t-il très vite, avant de prôner un vigoureux antiracisme façon lui.

Tentons, si c'est possible, une approche non polémique de cette affaire.

Et d'abord estimer qu'il y là une contradiction absolue. D'un côté, on prône une pensée d'avenir, positive, voire positiviste, « européenne », voulant dépasser les clivages d'antan, et de fait, profondément anti-réactionnaire. De l'autre, on raisonne comme les racialistes scientistes du XIX ème siècle, on affirme sans complexe, et d'ailleurs sans volonté politique « méchante », la croyance en la hiérarchie des races, on reprend pour son compte cette obscène et d'ailleurs très ringarde idée « que la notion de race était une clef explicative forte de l'Histoire. » 

Et puis, se rendre compte que CE N'EST PAS UNE CONTRADICTION JUSTEMENT !!! Le racialisme a toujours été le fait des pensées positives et anti-chrétiennes. Le racisme ne fut jamais qu'un positivisme biologique - tout comme le socialisme ne fut jamais qu'un impérialisme moral, et même un colonialisme fait pour le bien des peuples (on ne va pas re-citer le discours de Jules Ferry sur "le devoir des civilisations supérieures à civiliser les inférieures.") Là-dessus, Muray a tout dit dans son XIXème siècle à travers les âges. L'antichrétien conséquent ne peut considérer que tous les hommes soient égaux. L'antichrétien est forcément un raciste - ou y aboutit. Et cela même si lui est un brave homme, comme Gobineau l'était assurément, et comme de Benoist est, paraît-il, une personne exquise. 

« Le racisme ne me choquait pas, mais en revanche les comportements racistes me choquaient »,

confesse encore ce dernier, avant de rapporter une anecdote dans laquelle un de ses plus chers amis répondit un jour à une bonne soeur (une chrétienne, donc !) qui était venue auprès d'eux faire la quête pour les enfants du Tiers-Monde qu'elle s'occupait de « singes ».

« Je baissai le nez dans mon assiette,écrit-il alors. J'avais honte, j'avais l'estomac noué. Mais je n'ai rien dit. Aujourd'hui encore, j'ai honte de n'avoir rien dit. Je ne raconte pas cela pour atténuer mes responsabilités. A cette époque, je défendais le racisme, ou tout au moins le racialisme, et je le défendais sans état d'âme, mais les choses sont toujours un peu plus complexes qu'il n'y paraît. »

Ou trop simples.

Alain de Benoist fut donc un racialiste militant. C'est un fait. Alors, aujourd'hui, chacun sa posture. D'aucuns réagiront au quart de tour, "s'indigneront" avantageusement, fermeront Mémoire viveà cette page, se faisant le serment de ne plus jamais ouvrir un livre de ce type toxique et de tous ces affreux de la Nouvelle Droite. Iront jusqu'à boycotter les maisons d'édition et les librairies qui osent vendre les ouvrages de ce « néo-nazi ». Mais nous, que ferons-nous ? Avouerons-nous que cette bavure intellectuelle ne nous choque pas plus que ça et au contraire nous rend son auteur sympathique puisqu'au moins lui l'avoue ?

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Car enfin, rarissimes sont les intellectuels qui reconnaissent qu'ils se sont trompés. Et qui ne s'est pas trompé au XX ème siècle ? Combien de rouges ou de bruns en Pléiade ? Combien de sociologues délirants et dangereux aux rayons de Joseph Gibert, et pas seulement Soral ? Combien de déconstructeurs ayant pignon sur rue ? A nos yeux, Eric Fassin ou Judith Butler sont mille fois nocifs que cet ancien racialiste. Quant à l'appartenance à la "Nouvelle Droite", mon Dieu.... Combien de racailles d'extrême gauche qui font encore les beaux jours de l'université française ? Pour un Alain de Benoist, combien d'Alain Badiou ? Pour un penseur racialiste repenti, combien de penseurs socialistes non-repentis et marxo-léninistes comme au premier jour ? Ah bon ? Ce n'est pas la même chose ? Il ne faut pas tout mélanger ? Très bien. Dans ce cas, vive Alain de Benoist ! Et vive Gabriel Matzneff tant que j'y suis. On peut ne partager en rien l'idéologie criminogène du premier (et à laquelle il a renoncé depuis trente ans) et encore moins la sexualité infantile du second, mais il est impossible de se résoudre à dénigrer le premier ou à renier le second pour des raisons morales. Il est impossible de dénoncer quiconque. Il est impossible d'être intellectuel de gauche. Notre côté années 70, sans doute. Notre côté "Je suis Charlie".

Revenons à notre mouton (noir.)

En vérité, ADB n'avait rien pour être raciste. L'homme aime les voyages et vaut dix Marco Polo à lui tout seul (« dès que je passe une frontière, je respire »). Il a en horreur la centralisation (associée comme toujours à l'être, l'unique, l'immobile) et préfère largement la régionalisation. Il devient bientôt le Zorro des régions, et partant de là, des minorités, des espèces en voie d'extinction, des dieux morts - et des animaux. Deub's est un vegan, putain ! C'est ça que nous lui reprochons, nous ! Car le véganisme, l'anti-spécisme, le genrisme sont autant de tendances qui nient l'altérité des êtres et participent à ce grand retour à l'Unique organique que Deub's dit détester plus que tout. D'ailleurs, le paganisme ne renvoie-t-il pas lui aussi à une nature divine unique où tout est dans tout et réciproquement ? Alors que le christianisme affirme, justement, la différence absolue. Il faudrait le lui demander.

En plus de la finance et des « financiers qui dirigent le monde », ses trois ennemis sont :

- l'Etat-Nation conçu sur le modèle jacobin, centralisateur, dirigiste, autoritaire (symbole Eric Zemmour).

- le christianisme, donc, dénoncé à l'époque comme « une religion étrangère à l'Europe » et qui, à l'époque, lui faisait dire à lui et à ses amis des choses du genre : « - nous ne sommes pas des Orientaux, le christianisme est une religion orientale, et tout ce qui est oriental est mauvais" - Certes, mais fumer n'est-il pas oriental, ami ? »

- le libéralisme individualiste petit bourgeois, produit des deux.

En gros, la trinité ennemie de Alain, c'est la terre, la foi, la liberté - et ça, en plus de son côté vegan, c'est ce qui nous fâche vraiment. Pas touche à mon héritage, mes principes de consolation et mon gigot flageolets, aurait envie de rétorquer le petit bourge déclassé qui est en nous. Si lui a pu céder à la tentation racialiste de la pureté, nous cédons à celle, héréditaire, du privilège. Et qu'est-ce que le privilège sinon l'autre nom, plus grossier, de la pureté ?

 

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A SUIVRE

05 - Eléments n°153 - Ce que j'en retiens.

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C'est la première fois que je lis Eléments pour de bon. Peut-être pas la dernière. Quelque chose de passionnant, de fascinant mais aussi d'inquiétant, de bizarre, de trouble. Pour moi, c'est un peu comme arriver chez des Serpentards repentis (ça existe). Des vérités primitives qui s'écrivent selon des codes d'un autre temps. Des fulgurances qui surgissent en pleine discussion vénéneuse. Parfois, la radicalité finit par étouffer l'intelligence et laisse apparaître de biens sombres tendances. Mais grâce à Dieu, ou aux dieux, cela repart très vite dans le bon sens, du moins l'espère-t-on. En vérité, la clarté dans l'expression va chez eux de pair avec une obscurité de l'enjeu. De quelle civilisation européenne ces gens se veulent-ils exactement le nom ? Quel genre de trône prônent-ils ?

(Mon travail ne consistera qu'en une prise de notes libres et désinvoltes et qu'on pourra suivre, ou pas, selon sa propre subjectivité.)

 

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Le "Système", selon Robert de Herte -"Une structure, un ensemble d'éléments qui interagissent entre eux selon certains principes de fonctionnement, à partir de boucles de rétroactions, positives ou négatives, qui mettent en jeu une causalité non linéaire" (où l'effet peut rétroagir sur la cause.)

Entre autres tendances de ce Système, "le primat du juste sur le bien". La justice contre le bien, l'équité contre le vrai. Les deux contre le beau.

Mais qui est du Système ? Principalement les libéraux hors-sol,ceux qui voyagent et ne se structurent que par leurs voyages, méprisant la frontière et le sol, la terre et le sang. Qui sont de partout et donc de nulle part. "Nouvelle Classe totalement déterritoralisée"et dont le symbole pourrait être Jacques Attali (revoir sa fameuse prise de bec avec Eric Zemmour.)

Aucune alternative dans le Système. Que des alternances interchangeables, de droite ou de gauche - et qui correspondent à la fameuse formule de Salina dans Le guépard :"il faut que tout change pour que rien ne change."

Aucun maître du Système, ni "cerveau caché". Même ses plus ardents bénéficiaires peuvent en être virés du jour au lendemain. Un peu comme les plus ardents révolutionnaires pouvaient en 93 se retrouver à la guillotine quelques jours après y avoir envoyés leurs antagonistes.

Trois types de critiques contre lui :

- la critique "artiste", volontiers nostalgique et réactionnaire, souvent littéraire, sympathique mais peu opératoire. Et souvent complaisante. Visconti, justement ?

- La critique qui a recours au "bouc émissaire" : "c'est la faute "aux immigrés", "aux juifs", "aux banquiers", "aux 200 familles qui tiennent le monde", aux "fonctionnaires qui foutent rien", bref, à ce que Claude Lefort appelait"les hommes en trop"et qui n'aboutit qu'au racisme, à la discrimination et au complotisme.

- La critique systémique ou holistique, seule sérieuse, qui analyse le capitalisme comme "un fait social total (...) et dont la loi générale est l'illimitation, vecteur du nihilisme".

Quant à la possibilité de la révolution... "Il n'y a de perspective révolutionnaire que lorsqu'une reconstruction idéologique radicale rencontre un mouvement social réel. Ce qui revient à dire que ce ne sont pas les révolutionnaires qui font les révolutions, mais les circonstances qui les rendent possibles."

 

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Le jazz et l'homme différencié - Musique de la transe. Corps possédé et chaos mental. Pour Julius Evola, "cette africanisation mentale était le symptôme d'une civilisation occidentale en ruines." Ben voyons. Reste que le jazz, première expression musicale du siècle dernier, se définit avant tout comme le passage d'une "musique populaire, voire ethnique" en "musique savante". Bien plus singulière qu'une simple "musique du monde" et autre chose qu'une "musique classique". Rencontre improbable entre les battements de coeur, le "pulse" original et le choral luthérien - entre l'esclave et son maître, oserait-on dire. Musique de désir et de recherche, du désir de la recherche. De joie pure et de structure (parfois laborieuse). De scène et d'autocréation. Art qui "nous ramène à ce que l'on est devenu ou à ce que l'on n'est plus".

 

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 Cliquer sur le lien pour entendre le cher Little Finger jacter son plus célèbre discours.

 

"Le Système cherche à nous dissoudre", selon Lucien Cerise (auteur de Gouverner par le chaos) - "L'ingénierie sociale", voilà ce qui nous manipule, nous trompe, nous transforme malgré nous, nous donne des pensées que nous n'aurions jamais eu de nous-mêmes, nous infiltrent, nous piratent, et selon la méthode du "pas vu qui voit tout". Bon Dieu, mais ne serait-ce pas le secret de La France Big Brother de Laurent Obertone ?

Le capitalisme encore et toujours coupable ! Sa dimension kabbalistique et numérologique,"où la totalité de l'existence peut se réduire à des chiffres" - où la lettre a cédé la place au numéro, le Logos au logo, l'éthique au numérique, le qualitatif au quantitatif. Où le langage de Dieu se réduit au mathématique - "le PDG de Goldman Sachs ayant déclaré un jour que les banquiers accomplissaient le travail de Dieu."

Le capitalisme comme volonté de puissance dernière, technique sur-accomplie, Gestell entériné. Où tout recommence, et sans cesse, à zéro, "reset ontologique global", matrix en folie permanente, geste prométhéen qui n'en finit pas de voler le feu aux dieux et de brûler les hommes avec et au prétexte de les "libérer".

Le capitalisme comme ce qui vise la fin de l'humain, et avec elle, l'avènement du post-humain, du transhumain, de Conchita Wurst. D'où la volonté de détruire les identités, les origines, les distinctions. "Plus aucune différence ne doit substituer, comme le stipule la théorie du genre pour les sexes, et encore aujourd'hui l'anti-spécisme et le véganisme, qui dénient une différence substantielle entre l'humain et les autres espèces pour nous préparer au métissage entre humains et animaux, les chimères génétiques qui sortiront bientôt des laboratoires." En attendant"le droit des robots"qui consistera"à accorder une personnalité juridique aux machines et à abolir ainsi la distinction entre vivants et non-vivants."

Et de rajouter :

"LES IDENTITAIRES NE COMPRENNENT PAS TOUJOURS QUE LE GRAND REMPLACEMENT N'EST PAS CELUI D'UNE RACE OU D'UNE CULTURE PAR UNE AUTRE, MAIS CELUI DES HUMAINS PAR LES MACHINES."

Merde, alors ? On nous aurait mentis ?

Quoiqu'il en soit, le chaos règne et il est la pire chose qui pouvait nous arriver.

"En effet, la psychiatrie et la psychanalyse montrent que la santé mentale nécessite d'avoir une perception stable des limites identitaires, avec une démarcation claire de l'intérieur, Moi, et de l'extérieur, l'Autre. La fluidité, l'état liquide, voire gazeux, ne sont pas viables quand il s'agit de définir une identité vivante, qui échappe à la dissolution, à la précarité et au chaos. Chacun a besoin de savoir qui il est, tout simplement, ce qui requiert une certaine permanence et fixité."

Il faut le rappeler sans cesse : sans identité, pas de métissage ; sans distinction, pas d'être (et sans être, pas de devenir) ; sans sexes, pas de vie ;  sans temps, pas de mouvement ; sans frontières, pas de terres ; sans reprises ou retour au même, pas de musique ; sans limites aux choses et aux notions, ni choses ni notions ; sans héritage, pas de transmission ; sans lien, pas de filiation ; sans hiérarchie, le chaos. Et quand c'est la hiérarchie qui devient elle-même chaotique...

 

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"Ce qui identifie carrément la droite libérale et la gauche libertaire, c'est qu'elles travaillent toutes deux à ouvrir les systèmes au maximum jusqu'à leur dissolution entropique et ce que mort s'ensuive. (...) Pour maintenir sa structure dans le temps, un système a besoin d'échanger de l'information avec son environnement, donc, d'être ouvert, mais il a également besoin de fermeture, sinon, il se dissout dans cet environnement. L'OUVERTURE ALIMENTE, LA FERMETURE PROTEGE. Ce sont l'ouverture et la fermeture totale qui augmentent l'entropie des systèmes. (...) C'est ainsi qu'un système conserve sa structure, son identité, sa forme typique et qu'il perdure. En géopolitique, cela s'appelle les frontières et les principes westphaliens. En biologie, c'est la peau, la membrane épidermique, nécessaire à l'intégrité de l'être vivant. (...) il faut donc relancer l'idée d'une fermeture positive qui fera hurler tous les libéraux-libertaires qui ne jurent que par l'ouverture complète à tous les vents et nous ordonnent de nous ouvrir toujours plus au monde, à l'autre, aux Roms, aux capitaux étrangers, à la concurrence (...) CAR IL N'Y A PAS  DE VIE SANS FERMETURE ET PROTECTIONNISTE A UN MOMENT OU A UN AUTRE."

Contre toute attente, Internet est devenu une résistance au Système. Ceux qui croyaient qu'il était un système de flicage n'ont pas vu qu'il pouvait l'être dans les deux sens. En ce sens, le Pentagone a bien compris qu'il faisait partie du "champ de la guerre" ("War domain") Jamais les informations n'ont aussi bien circulé, jamais la parole n'a été aussi libre car accordée à tout le monde, jamais les individus et parfois les peuples ont pu à ce point se rendre raison contre les pouvoirs. Tant pis pour les excès, les ordures, les trollings et autres stalkings. Internet est le triomphe de la démocratie (et donc du libéralisme, mon cher Lucien, non ? C'est pourquoi je ne comprendrais jamais ce rejet total du libéralisme - qui constitue tout le projet occidental pour le pire et aussi le meilleur. Et vous, vous oubliez ce meilleur à Eléments !)

Contre l'ingénierie sociale négative, il faut jouer l'ingénierie sociale positive : "IS+" contre "IS -" et espérer un rééquilibrage des forces et une reprise en compte du peuple par le politique, de la Nation par l'Etat. Non plus faire saigner le lien social mais bien le coaguler. Et quelle meilleure coagulation sociale que le retour à l'Etat-Nation et à la souveraineté populaire ? Zemmour, quoi ?

Mais dans un cadre jacobin ou girondin ? Centralisateur ou fédéraliste ? National ou régiono-impérial ? Notons qu'Alain de Benoist, partisan du fédéralisme, de la région et de l'empire (l'anti-zemmour en ce sens), et, pour la partie la plus fâcheuse, vegan, est l'intervieweur de Lucien Cerise.

Robert Guédiguian le romantique, par Ludovic Maubreuil - Et nous rappeler que"romantiser, c'est faire feu de tout bois, digresser sans se perdre, relier le fait concret au symbole, l'analogie au sacré et la mémoire commune à la légende des siècles, savoir goûter le secret du cliché et redonner du sens au lieu commun."Magnifique définition que je retiendrai, mon cher Ludovic...

 

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Sciences (l'inceste, le divorce, les visages et les hanches.)

- La logique libérale comme logique incestueuse, selon Les couleurs de l'inceste, par Jean-Pierre Lebrun. L'enfant, produit de la seule mère, le père relégué aux oubliettes. Voir l'abominable Mommy, de Xavier Dolan.

- Les filles, cause de divorce - non pas parce que les hommes préfèrent leurs garçons à leurs filles (??!!) et donc hésitent à divorcer quand ils en ont un, mais parce que, selon deux universitaires yankees, les filles sont plus résistantes que les garçons à tous les âges de la vie - et donc résistent mieux à la mésentente et au divorce possible de leurs parent (!!!???). On trouve de tout dans cette revue...

- Les visages larges plus combattifs que les visages étroits.

- Les hanches larges plus attirantes sexuellement que les hanches étroites et la preuve statistique que les femmes "larges"  perdent leur virginité plus tôt que les femmes "étroites" et ont plus de partenaires sexuels et d'aventures sans lendemain.

Interview croisée de Olivier Maulin qui veut réenchanter le monde, de Solange Bied-Charetton qui veut  lui rabattre le caquet et de Jean-François Roseau qui veut l'ausculter. Et qui parlent très (trop ?) bien de ce dont parle ce numéro à chaque page.

En revanche, déçu par l'article de Jean-François Gauthier sur"le Mal existe-t-il ?" Mais peut-être parce que je ne suis guère convaincu par cette idée que c'est le Dieu unique qui le produit, le mal, alors qu'il n'existerait pas en tant que tel dans un monde polythéiste, forcément plus riche, diverse, complexe et blablabla. Mon objection serait que le Mal existe, a toujours existé, sauf que le polythéisme n'a jamais su le nommer et que le monothéisme a très bien su le nommer - et que c'est en le nommant qu'on a eu ensuite l'impression qu'il y en avait trop. Alors qu'il a toujours été là, sauf que quand on ne le nommait pas, il était pire (exemple type : la pédophilie.) J'en profite pour dire que le le monothéisme est supérieur au polythéisme sur tous les plans. Et qu'on ne me rétorque pas que le monothéisme conduit à Hitler - qui était païen.

 

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Sur le système techno-capitaliste, selon Jean de Juganville (purée de pseudo !) - Uniformisation, globalisation, mondialisation, occidentalisation. Science, démocratie, métaphysique et technologie sont en effet nés "chez nous", les gréco-romano-judéo-chrétiens. Et ont donné en bout de course le capitalisme, le marché, la vénalité généralisée. Tout est devenu achetable, fabricable, valable. Le corps-objet. La vie-chose. L'homme-capital. L'échange des marchandises ne dépend plus de l'offre et de la demande mais"d'opérations spéculatives et de pratiques monopolistiques". Ce n'est plus l'argent qui produit des choses mais des choses qui produisent de l'argent. Le capitalisme n'est pas l'exploitation de l'homme par l'homme mais l'exploitation de l'homme par l'argent - et aussi l'exploitation de la nature par l'argent.  Le capitalisme est un "génocide structurel" autant qu' "un écocide structurel". Il fait de nous une marchandise comme une autre, bébés éprouvettes, réserve de clones, coke en stock, et ses couronnes en or sont mortelles. Il a donné "Verdun, Auschwitz, Kolyma, Hiroshima, Tchernobyl". Le capitalisme, responsable et coupable de tous les maux du monde depuis Caïn............................................................................. Le pire, c'est qu'ils ont tous l'air d'y croire. Ils ont fait de l'anticapitalisme leur croyance, sinon leur secte. Mais on aurait envie de leur demander. Qui ne voudrait pas vivre dans un pays capitaliste ? La critique totale de l'Occident est une sorte de négationnisme.

Mais continuons.

 

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La logique totalitaire selon Jean Vioulac (par Laurent Cantamessi) - Avec la révolution industrielle, et avec elle, l'avènement du capitalisme et le triomphe philosophique, politique et économique du libéralisme, le rapport au monde a changé comme jamais. En gros, il s'agit désormais de produire le monde, sinon le réel, plutôt que d'être produit par lui. L'objectivité des valeurs disparait pour laisser place à la seule subjectivité des désirs. Grâce au libéralisme, tout devient désirable, possible, opératoire. Comme Hegel l'a vu le premier, "le réel ne peut plus être compris comme une donnée stable mais comme un processus toujours agissant. L'histoire acquiert dès lors le sens que lui impose l'idéologie du progrès, elle est un processus de transformation du réel constamment à l'oeuvre, engendrant une rupture définitive sur le plan civilisationnel." L'histoire n'est plus que devenir et volonté de puissance, autocréation d'elle-même par elle-même, production sans fin des nouveaux corps et nouveaux désirs. Comédie humaine. Rougon-Macquart. Anneau du Nibelung. Et avec eux, désenchantement du monde. Nous sommes devenus trop libres. On nous a forcés être libres - donc responsables de tout ce qui se passe. Et il se passe trop de choses !

 

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Il est bien loin le temps où, comme l'écrivait Marcel Gauchet, nous n'étions pour rien dans ce qui était. Tout ce que nous étions et avions, c'est à d'autres que nous le devions, "des êtres d'une autre nature que nous, des Ancêtres, des Héros, des Dieux". La modernité nous a déracinés, individualisés, atomisés. Pire, elle nous a à la fois corrompus et rendus coupables de cette corruption. Nous sommes comme des putes sans cesse punies par leurs maquereaux auxquels elles reviennent inlassablement. Au moins les serfs d'antan étaient insouciants. Travaillaient la terre, voyaient le ciel et vivaient selon des éphémérides sacralisés. Très riches heures du duc de Berry. Plus rien de tout cela, aujourd'hui.

"L'individu plongé au sein de la masse doit donc accepter son appartenance à un système achevé et son incapacité personnelle, individuelle, à changer le monde. La liberté absolue à l'oeuvre est celle de l'Etat moderne caractérisée pour Hegel par la furie de la destruction qui se manifeste par la Terreur."

La terreur comme puissance d'égalité obligatoire, guillotine pour tous, destruction massive du particulier par l'universel. Et comme le dit encore Gauchet,"mobilisation totale". Conscription forcée. Nous sommes comme dans la prison d' Un prophète, le film de Jacques Audiard - obligés de participer aux actions et exactions que le monde capitaliste nous impose. Impossible de rester dans son coin, entre soi, sinon sur sa terre. Ce que les nazis n'ont pas supporté. "La doctrine nazie s'est fondée sur l'opposition entre le processus de totalisation propre à la modernité occidentale et l'identité du peuple juif, peuple sans Etat à la spiritualité purement religieuse. Le Juif représente l'altérité radicale" - celui qui résiste à l'immanence politique du Léviathan, à l'universalité des Lumières (qui conduisent au nazisme, donc), à la mobilisation totale, sinon finale, comme la "solution" du même nom.

Et là où les nazis ont échoué, les cyborgs pourront réussir. Ou les zombies.

 

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Jacques Ellul l'avait prédit, plus personne ne peut échapper au phénomène technicien (par François Bousquet) - Le "Big One", ou, selon le principe de Gabor, tout ce qui est faisable techniquement se fera en bien ou en mal. La technique est tout. C'est elle qui n'en finit plus de réifier l'homme - pour son plus grand bien-être, il est vrai. Comme le capitalisme dont on ne peut plus se passer. D'ailleurs, si Marx revenait, il n'écrirait pas "Le Capital" mais "La Technique". On a beau la fuir, on y revient toujours. A côté d'elle, les religions ne pèsent pas lourd. "Que pèse la promesse de la résurrection des corps à côté de la régénération des cellules ?" A cette suprématie, Ellul ne pose que sa foi. A la robotisation du monde, il oppose le Sermon sur la montagne. C'est beau mais un peu court. La faiblesse de sa pensée a toujours résidé dans son refus-dégoût de la politique. "C'est un petit prophète, au sens biblique du terme, comme Jonas ou le pâtre Amos." Et qui reste enfermé dans une logique orwellienne. "Il envisage le système technicien comme une mécanique totalitaire, alors que c'est d'abord un dispositif maternant et totalisant. Il raisonne encore dans le dur dans un monde devenu mou, flexible, sucré, obèse." Mais sur le fond, il a raison. 

 

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Et pour finir,"une critique radicale du faux omniprésent", selon Francis Cousin (interviewé par ADB himself), docteur en philosophie, radical parmi les radicaux, ultra-gauchiste d'extrême droite, marxo-rivarolien de choc, tradi-pré-néolithique qui ferait passer René Guénon et Julius Evola pour des libéro-libertaires,  qui anime un cabinet de philo-analyse qui reçoit des "gens cassés par le système" (!!!!!!!!!!!!!).

Le problème avec ce genre de zozo, c'est que sa critique du monde moderne commence dès la fondation du monde. Un peu comme Laurent Obertone dans La France Big Brother pour qui la surveillance du monde commençait dans la Bible elle-même, le mensonge omniprésent, omniscient, omnipuissant ne date pas simplement pour Cousin de la Révolution industrielle ni même des Lumières mais bien de la Grèce présocratique.

"La philosophie est née en Grèce anté-socratique, en ce temps bien particulier où les communautés organiques de l'Etre, qui n'avaient connu pendant de nombreux siècles que le produire humain naturel dans le champ historique de l'anti-argent et de l'anti-Etat, finissaient leur mouvement de dé-périssement pour aboutir à ce qui deviendrait le triomphe des premières sociétés de l'Avoir."

Dès cette époque, l'Etre perd devant l'Avoir. Même Héraclite, Parménide et Empédocle, qu'on croyait fondateurs de l'Être, témoignent de "cette unité ontologique perdue."L'histoire de la philosophie devient alors de Socrate à Kant celle de l'échange et du marché. Il faudra Hegel puis Marx pour tenter de revenir à "l'être générique de l'homme, à la communauté sans argent et sans Etat." C'est la voie de Francis : rechercher "l'universel générique de l'immanence cosmique"(!!!) L'enchantement primal du monde."La Terre sacrale" d'avant la corruption du monde et à laquelle Guénon a lui-même participé, ignorant"la vraie tradition primordiale des radicalités premières"(!!!!!!) dite "tradition primordialiste communiste de la non-division où le vieux (SC) indo-européen dit que tout est non monnayable et non-sécable dans les foyers de l'être total qui repousse toute idée de scission et de spécialisation" (déjà présente dans les Manuscrits de 1844 de Marx). Guénon falsificateur du monolithe ! Agent de"la trifonctionnalité de la décadence" (!!!!!!!!!!) qui, au lieu de rendre compte du "Tout indivisible", en fait son son usage propre, osant "guru-iser l'assimilation de ses répartitions schizo-phrénétiques" (!!!!!!!!!!!!). Non, il faut passer par Marx si l'on veut retrouver l'ère d'avant-monolithe !

Même Deub's a du mal à suivre :"Aussi loin que le regard puisse porter dans le passé, on ne voit pourtant aucune société qui n'ait pas connu, sous une forme ou sous une autre, un minimum de rapports de pouvoir. En paraissant rejeter toute l'histoire advenue, ne prônez-vous pas de manière utopique le retour à une PREHISTOIRE TOTALEMENT IMAGINAIRE ?"

Naoh Pierrafeu ne se dégonfle pas :"N'en déplaise à la pensée normalisée du dressage civilisationnel née du socratisme (!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!), si l'homme est bien substantiellement un animal historique, il ne devient un animal politique et économique qu'à compter du moment où la communauté organique de l'anti-argent et de l'anti-Etat est détruite par la société de l'Avoir et qu'il est nécessaire - pour ré-unifier le dés-unifié -de substituer, à l'immanence des rapports du produire humain, l'astreinte économique et l'assujettissement politiste des mutations du chiffre et de l' obéir."

Peut-être en utilisant des dragons, qui sait ?

 

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(Parenthèse de ma lecture de "Mémoire vive" qui reprend demain).

 

 

 

06 - Militantisme

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« Le militantisme est une école, et l'une des meilleurs qui puissent être. C'est une école de discipline et de tenue, d'exaltation et d'enthousiasme, une école de don de soi. C'est aussi un creuset d'amitié comme il y en a peu ».Gérard Longuet, Alain Madelin, Alain Robert - tous sont passés par là. La Nouvelle Droite était faite pour les idéalistes identitaires et les anti-modernes révolutionnaires. Radicaux plus qu'extrémistes. Car comme le note Deub's, si l'extrémisme est le fait de pousser jusqu'à l'absurde ses idées, à les fétichiser, la radicalité consiste toujours « à comprendre plus loin en remontant à la racine » et à tirer toutes les conclusions logiques qui dérivent de celle-ci :

« si l'on soutient telle position, alors on ne peut pas soutenir telle autre, mais on doit en revanche en admettre une troisième dans tel autre domaine (...) ce qui exige d'être intellectuellement structuré. »

Est-ce cette exigence toute masculine et un rien totalitaire qui fait que peu de femmes ont milité aux côtés de nos héros ? Sans doute parce que la femme, mieux que l'homme, sait que la vie est moins affaire de ratio et de structure que d'affect et de situations, moins affaire de « Weltanschauung » que de « Kairos » - et qu'être trop conséquent, radical, rationnel, moral, dans ses choix et ses idées, c'est, à un certain moment, se renier soi-même, sinon mourir. La femme, c'est quelqu'un qui n'a pas besoin d'être un homme, disait un jour X. avant que nous nous brouillons pour de mauvaises raisons qui n'étaient pas miennes et parce que le gars était quand même un rien caractériel. Ce qui est sûr, c'est que« la psychologie féminine, en tous cas, [l'a] toujours plus intéressé que la psychologie masculine. »

Autant que son antichristianisme qui ne connaît plus de limites et qui va jusqu'à lui faire défendre, un temps, les fameuses thèses « mythistes » selon lesquelles Jésus n'aurait jamais existé. Cette thèse, il finit par s'en apercevoir, n'en est pas moins intenable car « elle obscurcit la question des origines du christianisme beaucoup plus qu'elle ne l'éclaire. » Considérer en effet que la religion la plus importante de l'Histoire et du monde repose sur un fake est le début de la pensée complotiste. Jésus n'a peut-être pas ressuscité mais il a bien existé. Sinon, vive les soucoupes volantes...

Jeunesse finit par passer (et par s'imposer, on est en 68). Les compagnons de route font leur vie : François d'Orcival deviendra libéral, patron de presse, académicien. Lui hésite un temps entre le journalisme et l'enseignement. Finalement, il fonde la Nouvelle Droite. L'aventure ne fait que commencer.

 

A SUIVRE

07 - Intellectualiser la droite

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Pensée allemande, homme italien, langue française - tel François Bousquet définit Deub's, cet homme accompli, lecteur et voyageur infatigable, qui a tout vu, tout lu, tout connu, Pic de la Mirandole qui dialogua avec tous les intellectuels français et étrangers de notre époque, fut au centre de tous les débats des années 70 et 80, qu'Anne Sinclair et Jacques Chancel invitèrent en leur temps sur le plateau de Sept sur Sept et de Radioscopie, à qui l'on demanda même s'il allait se présenter à la présidence de la République à l'occasion de la fameuse « campagne de la ND » en 1979 et qui aurait pu être couvert d'honneurs s'il les avait aimés, se voyant offrir un pont d'or (la direction du Figaro-Magazine !) par Louis Pauwels à cette même époque et qu'il refusa parce qu'il préférait travailler dans son coin, n'ayant aucun goût pour la gloriole, les cocktails, le pouvoir. Homme libre, loup des steppes, infatigable bénédictin des idées, de ce point de vue, je t'admire, moi qui ne serai jamais qu'un un chien, un serf, un héritier.

Aujourd'hui, il est un des observateurs les plus aiguisés de la crise, et comme Houellebecq, Zemmour, Renaud Camus et d'autres, soutient que le mal français provient autant du « remplacement de population »(il emploie l'expression, page 140) que du capitalisme totalitaire –

« l'immigration [n'étant rien d'autre] que l'armée de réserve du capital. »

Aussi considère-t-il les immigrés comme les autres victimes du « Système » : déracinés regroupés pour les besoins du patronat en même temps que boucs émissaires des nationaux.

A la droite, il rappelle sa xénophobie et sa suffisance ; à la gauche, son mépris et son abandon du peuple ; aux deux, leur incapacité à maîtriser l'économique. Convainquant dans ses critiques, c'est dans son chemin de pensée qu'il est parfois difficile de le suivre, non pas tant parce qu'il est trop subtil mais parce qu'au contraire,« il en sait trop, ça l'embrouille », pour citer le mot d'un personnage de Céline et qu'il reprend lui-même, espérant n'être pas celui-ci.

Quoiqu'on pense de La « Nouvelle Droite «  (ou « Nouvelle Ecole »), celle-ci eut le mérite de tenter d' INTELLECTUALISER LA DROITE - en vain, bien entendu, la droite majoritaire, celle des « braves gens », des « types biens », « du vrai bon sens de chez nous », n'ayant jamais aimé les intellectuels et peut-être encore moins les siens que ceux du camp d'en face.

Fort peu gramscienne, la droite a, en sens, toujours mérité de perdre ses combats. C'est que celle-ci déteste au plus haut point la « vita contemplativa » qui va de pair avec la bataille des idées, le débat, la confrontation. Ne lui importe que la « vita activa », l'action, le faire, le produire. Pour reprendre le mot de Heidegger appliqué à la science, la droite ne pense pas.

C'est pourtant grâce à cette « vita contemplativa » que l'Europe créa ses plus beaux concepts, à commencer par celui d'objectivité - ou tout au moins de souci de l'objectivité. L'Europe est en effet la seule culture à vouloir comprendre les autres jusqu'à parfois se donner tort au nom de ces autres - et comme le dit si bien Cornélius Castoriadis (voir Addendum). Le génie de l'Occident est en effet dans cette faculté d'autocritique que nous avons parfois jusqu'à la nausée et qui se retourne, surtout ces derniers temps, contre lui.

Qu'importe ! Il s'agit de penser la Nouvelle Euorpe. Le GRECE ou « Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne », fondé au même moment que la « Nouvelle Ecole », n'ira pas dans un autre sens. Et cela, sans jamais aucune « stratégie »,

« la meilleure des stratégies, dit ABD,étant de n'en avoir aucune ».

« J'ai toujours craint, surtout, qu'à force de vouloir peaufiner la stratégie de ses idées, on finisse par ne plus avoir que les idées de sa stratégie. C'est un peu ce qui est arrivé au Club de l'Horloge. »

Ainsi, la ND se met en branle, et un branle fondé sur l'idée de « l'homme complet » (celui qui met en conformité ses actes et ses idées, brrrrr.....), du « vivre ensemble » (« Zusammenleben »), de la communauté (« Gemeinschaft »), qui a ses propres « rites » de mariage et de baptême (sans passer par l'Eglise puisqu'on n'est pas chrétien), et dont l'enjeu est de créer bel et bien une « contre culture ».

Exprimer le général sans devenir vulgaire, comme disait Walter Benjamin. Lui-même se marie le 21 juin 1972, « jour du solstice d'été », comme il aime à le préciser. Alors, bien sûr, il ne faut pas caricaturer - mais tout cela sent foutrement le druidisme, non ?

 

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Addendum :

GENIE DE L'OCCIDENT.


« Dans l’histoire de l’Occident, il y a une accumulation d’horreurs – contre les autres tout autant que contre lui-même. Ce n’est pas là le privilège de l’Occident : qu’il s’agisse de la Chine, de l’Inde, de l’Afrique avant la colonisation ou des Aztèques, les accumulations d’horreurs sont partout. L’histoire de l’humanité n’est pas l’histoire de la lutte des classes, c’est l’histoire des horreurs bien qu’elle ne soit pas que cela. Il y a, il est vrai, une question à débattre, celle du totalitarisme : est-ce, comme je le pense, l’aboutissement de cette folie de la maîtrise dans une civilisation qui fournissait les moyens d’extermination et d’endoctrinement à une échelle jamais auparavant connue dans l’histoire, est-ce un destin pervers immanent à la modernité comme telle avec toutes les ambiguïtés dont elle est porteuse, est-ce encore autre chose ? (…)
Il y a quelque chose qui est la spécificité, la singularité et le lourd privilège de l’Occident : cette séquence social-historique qui commence avec la Grèce et reprend, à partir du XIème siècle, en Europe occidentale, est la seule dans laquelle on voit émerger un projet de liberté, d’autonomie individuelle et collective, de critique et d’autocritique : le discours de dénonciation de l’Occident en est la plus éclatante démonstration. Car on est capable en Occident, du moins certains d’entre nous, de dénoncer le totalitarisme, le colonialisme, la traite des Noirs ou l’extermination des Indiens d’Amérique. Mais je n’ai jamais vu les descendants des Aztèques, les Hindous ou les Chinois faire une autocritique analogue, et je vois encore aujourd’hui les Japonais nier les atrocités qu’ils ont commises pendant la seconde guerre mondiale. Les Arabes dénoncent sans arrêt leur colonisation par les Européens, lui imputant tous les maux dont ils souffrent – la misère, le manque de démocratie, l’arrêt du développement de la culture arable, etc. Mais la colonisation de certains pays arabes a duré, dans le pire des cas, cent trente ans : c’est le cas de l’Algérie de 1830 à 1962. Mais ces mêmes arabes ont été réduits à l’esclavage et colonisés par les Turcs pendant cinq siècles. La domination Turque sur le Proche et le Moyen Orient commence au XVIème siècle et se termine en 1918. Il se trouve que les Turcs étaient musulmans – donc les arabes n’en parlent pas. L’épanouissement de la culture arabe s’est arrêtée vers le XIème, au plus XIIième siècle, huit siècles avant qu’il soit question d’une conquête par l’Occident. Et cette même culture arabe s’était bâtie sur la conquête, l’extermination et/ou la conversion plus ou moins forcée des populations conquises. En Egypte, en 550 de notre ère, il n’y avait pas d’arabes – pas plus qu’en Libye, en Algérie, au Maroc ou en Irak. Ils sont là comme des descendants des conquérants venus coloniser ces pays et convertir, de gré ou de force, les populations locales. Mais je ne vois aucune critique de ces faits dans le cercle civilisationnel arabe. De même, on parle de la traite des Noirs par les Européens à partir du XVIème siècle, mais on ne dit jamais que la traite et la réduction systématique des Noirs en esclavage ont été introduites en Afrique par des marchands arabes à partir du XI-XIIième siècle (avec comme toujours la participation complice des rois et chefs de tribus noirs), que l’esclavage n’a jamais été aboli spontanément en pays islamique et qu’il subsiste toujours dans certains d’entre eux. Je ne dis pas que tout cela efface les crimes commis par les Occidentaux, je dis seulement ceci : que la spécificité de la civilisation Occidentale est cette capacité de se mettre en question et de s’auto-critiquer. Il y a dans l’histoire Occidentale, comme dans toutes les autres, des atrocités et des horreurs, mais il n’y a que l’Occident qui a crée cette capacité de contestation interne, de mise en cause de ses propres institutions et de ses propres idées, au nom d’une discussion raisonnable entre êtres humains qui reste indéfiniment ouverte et ne connaît pas de dogme ultime. »

Cornélius Castoriadis, La montée de l’insignifiance.

 

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08 - Guerre et amour

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90 livres, 2000 articles, 350 entretiens. En cinquante ans, Alain n'a pas chômé -  et on se met à rêver de cette puissance intellectuelle qui arrive à ingurgiter un livre par jour, un auteur par semaine, une science par mois, une matière par saison, une langue par an.

[Moi, là, je suis au Suffren et je débats avec X. sur Facebook en éclusant dangereusement. Celui-ci m'explique qu'en plus d'être stalinien et maurrassien malgré moi, je suis un calviniste qui s'ignore. Ce qui n'est pas si faux. Je n'en ai pas totalement fini avec la haine de Dieu (mais avec quoi en ai-je fini, je me le demande ?), je n'ai jamais cru au libre arbitre - et c'est même par admiration pour Blaise Pascal que j'ai adopté son propre pseudonyme "Montalte" utilisé dans Les Provinciales contre les Jésuites. Je crois à tout ce qui est plus fort que moi et je compte là-dessus. Quand ça vient de moi, ça ne marche jamais. Quand ça vient d'un autre, de Dieu, d'une femme ou d'un film, c'est différent. J'attends qu'on me fasse de l'effet pour produire mes propres effets. Voilà toute ma vie. Cette parenthèse n'a aucun intérêt. Encore que si.]

Encore une fois, Deub's en revient à sa détestation de l'Unique, son mépris des cultures hémiplégiques (qui ne connaissent que leur partie ou leur camp et pas celui de l'adversaire - attitude typique de la droite comme on l'a dit), frôlant tout de même un certain narcissisme normatif, à savoir cette propension que nous avons tous à nous définir hors étiquettes, hors camps, toujours ailleurs, toujours en lignes de fuite, toujours plus « complexes » que nous le laissons paraître, toujours Poissons en un sens (« vous me croyez là, alors que j'étais là, je vous ai bien eu ha ha ! ») ; mais aussi toujours en accord avec ce qu'il y a de bien dans chaque camp, toujours soucieux de démontrer qu'on n'oublie rien de ce qui est vrai ici et là, toujours synthétiques et souverains, toujours hors critique puisqu'on a prévu la critique dans notre credo, toujours propres. Or, ce que je crois, moi, est qu'un intellectuel doit être conscient de sa salissure. Doit savoir qu'à un certain moment, toute pensée belle, bonne et vraie contient son intolérance, son injustice, sa violence faite au sens commun. Doit reconnaître que sa vérité a ses exclus, ses blessés, ses cadavres. La pensée est une guerre, qu'on s'appelle Carl Schmitt ou Montaigne. A un moment donné, pour ne pas dire, tout de suite, nos bonnes intentions tuent. Notre merde est sacrée mais il faut savoir la fixer.

Alain s'est fixé sur la défense des valeurs européennes. Très bien. Le problème, c'est que son Europe à lui est anti-chrétienne. Autant affirmer l'Orient sans l'islam, l'Extrême Orient sans le bouddhisme ou se réclamer de la musique allemande sans Bach ni Wagner. Alain répond que Zeus et Apollon, sinon Thor et Odin, sont aussi importants que Christ et Marie. Ben non, justement. Car comme Chesterton le dirait (et je sais qu'Alain n'aime pas qu'on ne se réfère qu'à un auteur unique, mais quoi ? c'est ma limite, donc mon identité, donc ma vérité), on reconnaît la présence d'un dieu aux blasphèmes qu'il suscite, or, ceux qui « blasphèment »  le nom d'Odin se font de plus en plus rares.

Alain continue en se définissant adversaire du nationalisme (au nom du régionalisme) et de l'Etat-Nation (au nom de l'Empire). Alain aime la Bretagne, le Languedoc et la Bourgogne tout autant que le Saint-Empire romain germanique ou l'empire des Hohenstaufen - mais pas la France ou l'Allemagne en tant que telles. Le nationalisme, pour Alain, relève d'une métaphysique de la subjectivité. Tout comme d'ailleurs l'individualisme qu'il honnit ainsi que le libéralisme qu'il vomit. Nationalisme, individualisme, libéralisme - sa trinité noire. Je commence à comprendre ce qui nous sépare vraiment. Alain déteste la colonisation qui n'est rien d'autre, pour lui, qu'une conversion forcée.

« Toute conversion est à mes yeux une forme de renonciation à soi », écrit-il. 

Je dirais exactement le contraire : toute conversion est à mes yeux une forme d'affirmation de soi - ou, plus exactement, une forme d'affirmation des forces que nous avons tous en nous et qui ne demandent qu'à surgir, et qui surgissent dès qu'elles rencontrent d'autres forces contraires ou complémentaires. Cela peut donner la guerre comme l'amour.

 

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09 - Egalité et réconciliation

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A toi, Nathalie B., infâme fatale.

Revenons à sa haine de l'Unique. Son européanisme non-chrétien. Son rejet absolu du libéralisme - mais l'histoire de l'Europe n'est-elle justement pas celle du christianisme (au secours Ratzinger !) et du libéralisme (au secours, Pierre Manent !) ? De quelle « alternance » européenne Deub's est-il le nom ? Avouons-le : les indécences intellectualistes et idéalistes dont il se rend coupable de temps en temps nous font quand même mal au cul - quand il déclare, par exemple, un peu à la Alain Badiou, avoir plus de sympathie pour

« les Khmers rouges et les communistes du Vietnam qui avaient une foi [plutôt que pour] les « GI's désoeuvrés et drogués qui n'en avaient pas ».

Lorsque Sade rappelle que l'idéalisme est naturellement sanguinaire, Deub's pourrait en prendre de la graine. On peut critiquer les dérives du capitalisme, les excès du libéralisme, on ne peut les comparer à l'horreur communiste. Le capitalisme n'est pas criminogène, le communisme, si. Ce point n'est pas négociable.

Pourtant, l'homme s'affirme démocrate au sens fort : seul le peuple est souverain et doit « participer ». Alain de Benoist ou la démocratie participative. Non pas, bien entendu, sur le mode libéral qu'il abhorre (« un homme, un vote ») mais bien sur un mode républicain pur jus (« un citoyen, un vote ».)

Son « maître à penser », c'est Stéphane Lupasco, « le Hegel du XX ème siècle», dont l'idée physico-philosophique est de définir la structure du réel comme contradictoire et selon un processus de potentialisation et d'actualisation. Entre les trois formes de la matière-énergie (la macrophysique, la vivante et la psychique), le réel se déploie dans des conflits qui lui sont inhérents mais en récupérant toujours ce qui le contrarie - ce qu'il appelle, si j'ai bien compris, ce qui n'est pas si sûr,« le tiers-inclus ». Une sorte de dynamique du contradictoire et du conciliant à travers laquelle sont rendue possibles la diversité, l'hétérogène et la différenciation - le contraire du processus monothéiste, selon Deub's.

« Les choses réelles peuvent être ceci et cela, elles peuvent être une chose et son contraire », écrit-il.

Mieux, chaque chose génère son contraire.

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« Sur le plan social, par exemple, les tendances novatrices potentialisent des tendances réactionnaires, et vice versa. »

Qu'en termes héraclitéens ces choses-là sont dites ! Et j'espère que tu vas en prendre de la graine, Nathalie, petite colombe en sucre. Car oui, prendre conscience de la grande contradiction des choses, c'est les approuver toutes, ou du moins, c'est comprendre la valeur relative de chacune, et pouvoir les utiliser en fonction de nos besoins et de nos intérêts, et selon une logique purement machiavélienne : telle force à laquelle je m'oppose d'habitude peut devenir mon allié en certaine circonstance (exemple actuel : l'Iran, la Syrie et les USA, alliés objectifs contre Daesh, ennemi commun s'il en est). D'où le paradoxe alléchant que c'est la conscience de la contradiction qui génère la tolérance et le vivre-ensemble. C'est lorsqu'on sait que les choses sont originellement contraires qu'elles peuvent être appréhendées comme complémentaires, voire érogènes (homme & femme).

Tout cela est admirable et je le partage en grande partie puisque pour moi, c'est justement la définition du..... libéralisme (et dont Machiavel fut précisément l'un des pères fondateurs : il y a une "fécondité du mal" dans la mesure où le mal nous permet de sortir de soi et de percevoir l'autre comme différent et érotique.« Le méchant est sacré », disait Jung dans son Livre Rouge.) Et lorsque Deub's s'affirme alors non pas tant comme un homme « ni ni » (ni à droite ni à gauche) mais au contraire comme un « homme de droite de gauche ou de gauche de droite », j'entends, moi, qu'il se définit comme l'homme libéral par excellence. LA RECONCILIATION EST UNE NOTION LIBERALE.

En revanche, je ne le suis plus lorsqu'il parle de l'opposition « christianisme / paganisme » comme d'une opposition irréductible, puisque, comme l'ont montré Chesterton et Simone Weil, le christianisme est d'origine païenne autant que d'essence juive. Comme quoi, on est tous libéral ou socialiste, monothéiste ou polythéiste, chrétien, juif ou païen, irréductible ou coulant - mais pas aux mêmes endroits ni aux mêmes moments. La vraie différence entre toi et moi, ce que j'appelle le « glaive » (mais qui pourrait s'appeler indistinctement distinction, abîme, écart ontologique), ce n'est pas que tu es rouge, qu'il est bleu, et que je suis blanc, non, c'est que tu es rouge, bleu blanc, ici, qu'il est bleu, blanc, rouge, là, et que je suis blanc, bleu, rouge ici et là. Tu as compris, Nathalie Bati ?

 

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10 - Race et culture

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« Rien ne me fait plus horreur que le mot de Maurras selon lequel aucune origine n'est belle, mot d'ailleurs surprenant chez un farouche défenseur de la tradition. Pour moi, toute origine est belle. Qu'il s'agisse d'une liaison amoureuse ou d'une révolution politique, tous les commencements sont beaux. C'est ensuite que cela se dégrade. »

Et donc, les Indo-Européens (qui n'ont rien à voir avec les Aryens, précise-t-il) seront beaux et leur hiérarchie sociale encore plus belle, car « le contraire des valeurs marchandes ».

Est-ce parce que je suis un bourgeois dans l'âme que j'ai toujours un peu de mal avec la beauté des castes, les vertus du potlach et les émissions de Frédéric Lopez ? Les valeurs marchandes, c'est aussi ce qui permet de survivre et moi je suis très content quand l'argent circule autour de moi et que le marché se porte bien. Car ainsi, j'en profite et peux alors tout à mon aise me pencher sur l'inanité des choses, comme disait un personnage de Grand d'Espagnol de Claire Bretecher.

Quoiqu'il en soit, Deub's se découvre anti-scientiste et anti-positiviste, c'est-à-dire anti-raciste, le scientisme positiviste conduisant, comme on l'a déjà dit, naturellement au racisme. Ce qui est vrai mais qui pose tout de même de petits problèmes de méthode puisqu'on a l'impression que c'est pour des raisons « réflexives » et non morales que Deub's récuse le racisme (genre « les études ont montré que le racisme était une absurdité » - mais quelles études, d'abord ? Celles des anthropologues blancs ? Admettons. Mais si elles avaient montré le contraire, les études, alors ? Car je ne veux pas faire mon sceptique populo, mais les études, les études, c'est comme les chiffres, on leur fait dire ce qu'on veut....). On dirait que Deub's attend que la science lui prouve l'infamie du racisme. Mais la science a été un temps tout aussi raciste que toi, Alain.

Non, lui, à cette époque, se réclame d'un « antiracisme différencialiste », d'ailleurs racialiste. Les races existent bel et bien, argue-t-il, « et l'on doit s'en féliciter, car c'est le polymorphisme de notre espèce qui en fait la richesse. » Je veux bien, Alain, mais les races, les races.... Lesquelles ? Il y a en plusieurs ? Et si oui, combien ? Et de quelles sortes ? Là-dessus, mystère et boules de gommes. Pour le reste, on est d'accord : le racisme est un ethnocentrisme essentialiste qui soit rabaisse la différence ou la hiérarchise (racisme de droite) soit l'annule au nom du Même et de fait la nie (racisme de gauche). Quant au phénomène du métissage, « c'est un choix individuel, pas un impératif collectif », donc pas un phénomène. A voir.

 

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Les lecteurs d'Eléments le savent : la revue traite autant de politique que de biologie qualifiée de « reine des sciences » par Deub's et ses amis. Mhmmh... On risque encore de glisser, là, je sens.

La théorie de l'évolution, Deub's s'y intéresse depuis toujours car elle permet d'éradiquer l'Unique et de donner la part belle aux origines et à la diversité des forces. Pour dire les choses rapidement, la différence entre l'homme et l'animal, c'est que l'homme est un animal alors que l'animal n'est pas un homme. L'animal, en effet, n'a pas d'histoire, car pas de manque. Alors que du fait que l'homme est un « être de manque », et même une créature « inachevée », non spécialiste de rien, il doit s'adapter à toutes les situations et de fait inventer les cultures qui stabiliseront son « dilettantisme instinctuel ».

« Il en résulte que la culture n'est nullement le contraire de la nature, mais qu'elle compte bien plutôt au nombre des conditions physiques d'existence de l'être humain.»

La culture est une émanation de la nature comme la nature est une production sociale.

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A part ça, Deub's (qui a longtemps fait partie, de la Mensa, cette association des gens qui ont un QI supérieur à celui de 98 % de la population - soit à peu près 140) préfère le caractère à l'intelligence. Un être super intelligent peut être super con. Et un médiocre peut dire des choses justes et vraies. En plus du style qui est ce qui importe le plus. Notons en effet que dans la culture européenne (mais cela pourrait marcher pour toutes les autres), les qualités cognitives ont rarement fait les modèles sociaux. Nous avons toujours préféré au savant fou ou à l'expert en tout le héros homérique, le chevalier féodal, le gentilhomme français, le gentleman anglais, le caballero espagnol, sans compter les saints et les martyrs. L'intelligence, c'est pour les nuls. Pas vrai, Hodor ?

 

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11 - L'humanité est universelle, ou n'est pas (désolé, Deub's).

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Alain de Benoist se bat contre l'Unique mais plaide pour le monisme. L'univers, pour lui, est un tout à qui il ne manque rien. D'accord. Mais un tout à qui il ne manque rien, c'est quand même bien un Un, ou j'ai tout faux ? Spinoziste, quoi ?

Quoiqu'il en soit, il s'agit d'approuver le monde dans son intégralité, le monisme permettant la réconciliation des contraires, la sublimation des déchirures, l'union des altérités. Hégélien, quoi ?

Qui plus est, contre la « culture raide » de la droite et le « devoir-être » de la gauche, Deub's affirme le jaillissement vital, la floraison organique, la joie dionysiaque. Nietzschéen, quoi ?

Anti-Unique, donc anti-Universel, donc anti-monothéisme et biblique. Là-dessus, Deub's est cohérent. L'affirmation de la diversité (des êtres, des valeurs, des forces - des races ?) conduit nécessairement au polythéisme, donc au paganisme.

« La valeur des patries charnelles contre le centralisme jacobin», comme il dit.

Tout cela est infiniment séduisant mais tout de même, quelque chose me chiffonne. Lorsqu'il écrit EN S'EN PLAIGNANT qu'

« affirmer qu'il n'y a qu'un Dieu, c'est affirmer du même coup l'existence d'une seule famille humaine, et inévitablement, la concevoir comme addition d'individus »,

ne revient-il pas à dire qu'il y a, pour lui, plusieurs familles humaines ? Familles ou races ? Races ou espèces ? De quelle différence réelle Alain de Benoist est-il le nom ? Comprenons-nous bien, je ne suis pas antiraciste pour un sou (de cet antiracisme là, sans "s", comme disait Desproges), je peux croire au choc des civilisations, comprendre et avoir moi-même des relents de xénophobie de temps à autre, parce que voilà, je suis un être humain et que mes intérêts sont parfois en contradiction avec mes valeurs, mon identité avec mon désir d'universalité, mon catholicisme avec ma cupidité - mais au bout du compte, non, il n'y a pas différentes familles humaines (comme il peut y en avoir, par exemple, chez les animaux : mammifères, ovipares, reptiles, etc), il n'y en a qu'une, qu'on soit parisien ou congolais, juif ou inuit, tamoul ou originaire du Kentucky. Géant ou nain.

 

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C'est en effet ce que nous dit le monothéisme : tous égaux devant Dieu. Pas de différence divine entre le juif et le grec, le grec et le barbare, le barbare ou le freak. Et c'est ce que nous confirme la biologie : chaque homme peut s'accoupler et se reproduire avec chaque femme - alors que le porc-épic ne peut s'accoupler avec le serpent (même si la blague dit que cela donnerait un mètre de fil barbelé). L'homme est sans doute divers dans ses folklores et ses sauces gibiches mais il est bien un dans son essence. En vérité, le racisme commence avec l'idée malfaisante (et complètement fausse) qu'il pourrait y avoir une différence absolue, génétique ou morale, entre deux être humain. Le seul qui soit le différent absolu, ce n'est certes pas le Noir, l'Arabe ou le Bochiman, même pas le Freak, mais Dieu - et le Dieu unique, coupé de nous mais qui nous a accordé de sa coupure, j'allais dire de son sang, le Dieu qui s'est décréé pour nous.

Deub's a beau ensuite palabrer sur les rapports dialectiques entre identité et différence, frontières et ailleurs, même et autre, relativisme et absolu, et tenir des propos d'ailleurs purement normatifs genre "je crois à la nécessité des frontières mais j'aime les franchir" ou "un relativisme intégral est insoutenable", son anthropologie n'apparaît pas si claire, et sa "troisième voie" semble bien fumeuse.

Non, la vérité (la mienne donc la vôtre) est que l'enracinement ne s'oppose pas à l'égalité. C'est même le contraire. Tous les hommes sont ou ont été enracinés - et d'ailleurs déracinés. De toutes façons, sans universalité, on ne peut pas penser l'homme. L'homme est universel ou n'est pas. Désolé, Deub's.

 

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12 - Aristocratie

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A Joan Roméo qui ne sera pas insensible.

 

Iconoclastie - L'image permise et polymorphe plutôt qu'interdite au nom du dieu unique. L'iconodulie païenne plutôt que l'iconoclastie judéochrétienne. Certes, la Bible a rompu avec l'image mais c'est cette rupture (d'ailleurs plus conflictuelle que définitive) qui permettra l'accès à l'esprit. C'est cet asservissement du mythos par le logos qui permettra d'entendre la parole de Dieu. Car Dieupasse d'abord par l'ouïe plutôt que par la vue. Même si le catholicisme romain compliquera bientôt les choses et reviendra à l'image, au mystère, à la cérémonie, au cinéma. La catholicité propre au cinéma selon Gilles Deleuze. Car on a beau dire, beau sévir, beau interdire. Personne ne renonce à l'image. L'image est trop en nous pour qu'on puisse la fuir. Ce serait comme s'empêcher de respirer ou d'avoir une excitation sexuelle. Et l'amour du cinéma révèle ce en quoi nous sommes encore pieux, païens, idolâtres et obsédés. 

Nominalisme - Au début, n'étant pas essentialiste, Deub's est plutôt pour : les mots ne sont pas les choses et n'ont qu'une valeur d'usage. « Nommer » une chose, ce n'est pas la définir en tant que telle encore moins lui accorder de l'être, c'est simplement la prendre pour soi, l'instrumentaliser en fonction de ses besoins et de ses intérêts, hors de toute essence à elle, si tant est qu'elle en est une. Le nominalisme, c'est prendre les choses par leur nom et non par leur essence. Mais comme il se rend compte assez vite que le nominalisme prépare à l'individualisme (car si pas d'être au-delà de l'être singulier, alors pas d'universaux, pas de transcendants, pas d'instances autres qu'individuelles) et par conséquent au libéralisme (les choses n'ont aucune valeur en soi mais seulement le prix qu'on leur accorde), il y renonce.

Tiers-mondisme - Tout plutôt que la société libérale et Yalta. Tentation maoïste, puis tiers-mondiste - le Tiers-Monde lui  apparaissant « comme un allié géopolitique naturel de l'Europe, mais aussi, sur le plan des modes de vie, comme le dernier lieu où existaient encore des sociétés traditionnelles. » J'avoue avoir du mal à ne pas réprimer une grimace. Pour des raisons de puissance comme de morale : ne sommes-nous pas la civilisation de la contradiction, du négatif, de l'autocritique - soit la civilisation qui a justement dépassé la tradition ?

Paganisme - réhabiliter le mythos contre le logos. Soit. Mais comment peut-on être païen ? Deub's a beau préciser qu'il ne s'agit pas de croire aux dieux comme on y croyait à l'époque d'Ulysse ou de Siegfried (ou selon la méthode belliciste et déterministe de Julius Evola ou historiciste et décliniste de René Guénon), mais simplement de comprendre les mythes dans leur actualité qui, en outre, nous incitera à respecter respecter la nature. Le paganisme comme arrière-fond de l'écologie. Il n'empêche, dans sa dernière lettre, Dominique Venner écrivait  qu'on se retrouverait tous au Walhalla.

 

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 Aristocratie - Pour le reste, éthique de l'honneur contre morale du péché ; valeurs prolétaires et aristocratiques contre valeurs bourgeoises ; recherche du bien plutôt que du juste ; morale de la politique contre politique morale - une chose que ne comprend plus notre époque toute à sa moraline droidlom & padamalgam. Qui a oublié l'homme fondamental au profit de l'homme particulier, qui statue sans relâche sur ce qu'il devrait être au lieu de se pencher sur ce qu'il est, qui finit par ne plus savoir ni même percevoir, sinon voir ce qu'il est. Qui en revanche ne cesse de juger toutes et tous et ce faisant de déréaliser tout ce qu'elle juge.

« Quand on cesse de demander se demander ce qu'est l'homme, ou ce qu'est le monde, pour statuer d'abord sur ce qu'il "devrait être", on est dans une perspective morale, plus du tout dans une perspective éthique. C'est alors qu'on veut "changer le monde" ou faire "naître un homme nouveau". On retrouve ici cette attitude qui consiste à juger le monde, à porter sur lui un jugement moral, à refuser le réel tel qu'il est, en opposant à l'être un devoir-être. »

Là-dessus, dans mes bras, Deub's !!!

A propos, les femmes jugent-elles le monde ? Le jugement moral n'est-il pas d'abord une affaire masculine ? L'homme, la mort et la morale". "La femme, la vie et le désir". Voilà toute mon anthropologie.

 

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